La confrontation de deux poèmes crépusculaires exemplaires, « Recueillement du soir » de Jules Laforgue et « Le Crépuscule du soir » de son illustre aîné tant admiré, Charles Baudelaire, montre que les deux pièces se font remarquablement écho à travers des analogies de structure et de composition, mais aussi à travers un certain nombre de situations, de figures communes et d’images poétiques provenant tout droit de l’intertexte baudelairien. Toutefois, profondément animé par une volonté de démarcation à l’égard de l’hypotexte et par le désir de retrouver sa voix (e) personnelle, le jeune Laforgue garde une certaine liberté, qui se manifeste à travers le volume plus important du texte nouveau, le nombre et l’ordre des scènes retenues, la manière dont elles sont agencées, enfin, à travers la vision globale, fédératrice qui les commande et les informe. Ainsi, contrairement au dynamisme et à l’effet de quasi-concomitance qui marquent les scènes du « Crépuscule du soir » de Baudelaire, et rendent compte d’un véritable spectacle mouvant de la capitale parisienne de nuit, les scènes mécaniquement juxtaposées de « Recueillement du soir » de Laforgue frappent au contraire par leur fragmentation, leur immobilité et leur statisme profondément mélancoliques.
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