Dans leurs drames sérieux, Diderot et Beaumarchais inventent une écriture de l’acmé pathétique dont les caractéristiques peuvent être reliées aux théories linguistiques de leur temps. Comme ils choisissent de multiplier les interruptions et de créer une « déplétion » syntaxique, on pourrait croire qu’ils adhèrent à la théorie de l’ordre naturel et rationnel des mots. Mais les exclamations témoignent par leur morphologie variée de la malléabilité du langage. Et comme la déplétion syntaxique va de pair avec des gestes et des mimiques, on assiste à une incorporation théâtrale de l’expression, qui aboutit à la pantomime. Si Diderot donne une telle importance au jeu du comédien et au tableau, c’est parce qu’il ne veut pas rester prisonnier de la linéarité du langage. Il combine par conséquent une parole raréfiée à des expressions corporelles, si bien qu’il reproduit le langage que Condillac imagine être originel : le « langage d’action ».
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