Sacha Bourgeois-Gironde, Éric. Moinet
A recent and influential research methodology, mainly endorsed by economists, proposes to renew historical analysis based on the notions of natural experiment and causality. It has the dual ambition of unifying various disciplines around a common understanding of causality in order to tackle major historical questions (such as the role of colonization, political regimes, or religion in economic development) and of making the analysis of history more scientific. The definition of causality it promotes—of the“interventionist”type—tends to liken historical events to laboratory experiments. This is articulated with a neoinstitutionalist perspective aimed at measuring the long-term effects of past institutional changes, which are considered as exogenous. In the first part of this article, we present the ambitions, contributions, methods, and hypotheses (implicit and explicit) of this approach, showing how it differs from more traditional quantitative economic history, and placing it in the context of the recent empirical and neonstitutionalist“turns”of the economic discipline. In a second stage, we consider the criticism—often scathing—voiced by historians or economists against this method and its objectives. Finally, we emphasize the many difficulties posed by this approach when it comes to taking into account the historicity of phenomena, to producing general statements based on particular cases, and to providing a complete and coherent definition of causality in history.
Un courant récent et influent, porté principalement par des économistes, propose de renouveler l'analyse historique à partir des notions d'expérience naturelle et de causalité. Il a la double ambition d'unifier diverses disciplines autour d'une acception commune de la causalité afin de réinterroger des grandes questions historiques (comme le rôle de la colonisation, des régimes politiques ou de la religion dans le développement économique) et de rendre l'analyse de l'histoire plus scientifique. La définition de la causalité qu'il promeut – de type interventionniste – vise à traiter les événements historiques comme un protocole d'expérience de laboratoire. Celle-ci s'articule avec une perspective néo-institutionnaliste visant à mesurer les effets dans la longue durée de certains changements institutionnels passés, considérés comme exogènes. Dans un premier temps, cet article présente les ambitions, les apports, les méthodes et les hypothèses (implicites et explicites) de ce courant de recherche, avant de montrer comment il se différencie de l'histoire économique quantitative plus traditionnelle, et de le resituer dans le contexte des récents tournants empirique et néo-institutionnaliste de la discipline économique. Dans un second temps, cet article fait état des critiques – souvent virulentes – formulées par des historiens ou des économistes à l'encontre de cette méthode et de ses objectifs. Enfin, nous insistons sur les difficultés de cette approche à prendre en compte l'historicité des phénomènes, à produire des énoncés généraux à partir de cas particuliers, et à proposer une définition complète et cohérente de la causalité en histoire.
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