Les ado-combattants sont des « invisibles visibles » de la Grande Guerre. Invisibles dans les archives officielles et dans le même temps étonnamment présents sur les photographies. Cet article, premiers pas d’une recherche en cours, est né de cette présence/absence mystérieuse, à l’heure où – centenaire oblige – on croit tout savoir et tout connaître de la Première Guerre mondiale. Le sujet est encore neuf, notamment dans les pays de la « vieille Europe » où les historiens, contrairement à l’historiographie anglo-saxonne, ont jusqu’ici porté peu d’attention au phénomène. Pour autant, le travail à faire reste immense car la thématique des ado-combattants – ces individus trop jeunes pour combattre légalement mais trop vieux pour accepter de rester à l’arrière, notamment à l’école – se perd, le plus souvent, dans des considérations générales sur le volontariat. Ceci dit, même quand les historiens lui prêtent attention, c’est pour analyser le phénomène de l’engagement juvénile en termes de transgression : transgression de l’ordre social, transgression culturelle inhérente à la transition pubertaire de cette classe d’âge. L’explication transgressive est assurément juste, et passionnante, mais elle est aussi insuffisante pour comprendre un phénomène commun à tous les pays belligérants. La présente contribution propose de s’appuyer sur la transversalité européenne pour relire ce phénomène au regard de l’anthropologie historique, c’est-à-dire pour l’interroger en termes de filiation et questionner ce qui, dans ce désir de guerre, relève autant du rite de passage que du passage à l’acte.
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