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Es reseña de:
Dictionary of the Civil Code, traduit sous la supervision d’Alain Levasseur et Marie-Eugénie Laporte-Legeais
Gérard Corniu
Paris : LexisNexis, 2014
On ne compte plus les dictionnaires de droit, fort nombreux, mais on peut compter sur les doigts les traductions de dictionnaires juridiques, en particulier entre l’anglais et le français. La raison tient aux différences que portent leurs systèmes respectifs : la common law et le droit de tradition civiliste, dont concepts et notions diffèrent quelquefois de manière considérable. Traduire est en outre une activité risquée nous prévient l’adage traduttore traditore (« traduire, c’est trahir »), plus particulièrement lorsqu’il s’agit de traduire le droit, dont les effets peuvent parfois entraîner des conséquences critiques.
L’anathème historiquement lancé, depuis Babel, aux traducteurs et à leur oeuvre est, aux yeux de l’opinion publique, source de discrédit de la traduction même. Si les traductologues croient que tout est traduisible, en revanche beaucoup de personnes doutent que l’on puisse tout traduire, en particulier le droit et les textes qui l’expriment, et ce parmi les juristes mêmes. Car les lois sont rédigées d’une manière particulière d’une culture juridique à l’autre et les styles de rédaction varient selon les langages du droit et leurs traditions d’écriture. Le cas de l’anglais et du français, paire de langues dont l’exemple, parmi les multiples paires envisageables, est devenu symbolique. Les textes produits, entre autres celui des lois, diffèrent au point où les deux styles de rédaction se situent aux antipodes l’un de l’autre. Pointant la différence irréductible des langues, l’essayiste Michael Edward va jusqu’à qualifier la langue anglaise de « centrifuge », alors que le français serait « centripète ». Les traducteurs se trouvent alors confrontés à l’indétermination linguistique du sens du texte de départ : les deux textes disent-ils la même chose d’une langue à l’autre ? La linguistique, depuis De Saussure (1857-1913), nous a appris l’arbitraire du signe linguistique, donc des mots et termes dont la congruence d’une langue à une autre ne serait due qu’à un effet du hasard.
Quant aux systèmes juridiques, ils figurent, selon Simone Glanert, dans des « sphères épistémologiques distinctes ». Dans ces conditions, la traduction du droit est-elle possible ? Si l’on s’en tenait à de telles déclarations, il faudrait en conclure qu’en théorie il serait impossible de traduire le droit. À vrai dire, au vu des difficultés particulières que présente la traduction des textes juridiques, en particulier lorsqu’elle porte sur des textes d’intérêt national, se pose la question de leur traductibilité. Par exemple, si l’on s’arrête aux concepts que portent les termes clés des vocabulaires des principaux systèmes juridiques et si l’on procède à leur analyse comparée, terme à terme, on ne pourra qu’en conclure que, faute d’équivalence parfaite entre eux, la traduction s’avère impossible. De nombreux traductologues et juristes croient que la traduction juridique est, sinon impossible, du moins problématique. Ils pensent qu’une traduction ne reproduit pas à l’identique les effets juridiques du texte de départ et avancent comme preuve les multiples obstacles qui se présentent au traducteur, dont la singularité des systèmes juridiques, qui se manifeste par la spécificité des langages du droit, concepts et termes. Préjugés et idées reçues, voire ignorance de ce qu’est réellement la traduction, en aggravent les effets.
Aussi, pour affronter les périls de la traduction, fallait-il aux auteurs de la traduction du Vocabulaire juridique de Gérard Cornu une bonne dose de courage et de persévérance, voire un brin d’inconscience, pour se lancer dans cette aventure, quand on sait que ce dictionnaire de droit français fait autorité dans le monde francophone, tout en servant de référence partout ailleurs. La tâche était redoutable quand on considère que « le langage du droit est en grande partie un legs de la tradition ». Il s’ensuit qu’il est ancré dans un socle culturel aussi ferme qu’incontournable et que les notions juridiques qu’il porte peuvent être si abstraites et singulières, si culturellement liées au système local, à ses traditions et coutumes que des linguistes et des juristes doutent de la traductibilité du droit.
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