Pour mener à bien sa mission, l'arbitre est fatalement appelé à interpréter le contrat et le droit applicable au fond du litige. Même si elle porte sur les mêmes objets, on peut légitimement se demander si l'interprétation arbitrale diffère de l'interprétation judiciaire. Cet article tente de répondre à cette question en l'examinant principalement au regard de l'arbitrage commercial international, puis des arbitrages d'investissement et sportif.
En matière d'arbitrage commercial international, l'arbitre met l'accent sur la volonté réelle des parties (méthode subjective) aussi bien pour l'interprétation du contrat que du droit applicable. Il recherche les solutions par priorité dans le contrat, par préférence au droit applicable. En cas de lacune dans le premier, il procède à une analyse �factuelle� (plutôt que juridique) du droit applicable en l'interprétant selon la volonté des parties. En effet, l'arbitre tranche pour une espèce donnée, et il est moins lié que le juge par les précédents (arbitraux, mais aussi judiciaires): il est donc porté à privilégier la prévisibilité dans l'exécution du contrat plutôt que la sécurité du droit.
En matière d'arbitrage d'investissement, même s'il recherche parfois la volonté des Etats contractants, l'arbitre n'utilise pas une méthode aussi subjective que l'arbitre commercial. En effet, dans la majorité des arbitrages d'investissement, il n'existe pas de rapport contractuel entre l'Etat hôte et l'investisseur. Celui-ci se met en position de profiter d'un cadre normatif, le traité, qui lui est extérieur. La volonté de l'investisseur, en tant que telle, n'a donc en principe pas de rôle pour interpréter un traité qui lui est hétéronome. En revanche, les arbitres peuvent avoir à interpréter les �attentes légitimes� de l'investisseur. Les principes d'interprétation du traité sont fixés par les articles 31 à 33 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités. Dans un premier temps, les tribunaux arbitraux CIRDI se sont montrés réticents à l'idée d'être �liés� par des sentences antérieures rendues par d'autres tribunaux. Dans des affaires récentes, certains tribunaux ont cependant relevé que, sous réserve de raisons impérieuses contraires, les sentences CIRDI antérieures avaient valeur de �précédents�, afin de favoriser un �développement harmonieux� du droit de l'investissement.
En matière d'arbitrage sportif, l'interprétation arbitrale effectuée dans le cadre de litiges (sportifs) à caractère commercial est similaire à l'arbitrage commercial, en particulier en procédure d'arbitrage ordinaire devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Cependant, en procédure arbitrale d'appel, celle des règlements des fédérations sportives � soumis au droit suisse lorsque le siège de la fédération concernée est en Suisse � présente des particularités : il ne s'agit pas de rechercher la volonté réelle des parties (qui ne peut pas être constatée), mais d'interpréter le règlement sportif selon le sens que lui donnerait une �personne raisonnable�, au vu de toutes les circonstances et notamment du but recherché par la norme (associative) concernée (interprétation normative ou objective). Par ailleurs, l'interprétation de ces règlements sportifs doit être conforme aux règles sur la protection de la personnalité des athlètes (v. art. 27 et s. Code civil suisse), car une violation de ces règles peut, dans certaines circonstances, entraîner une violation de l'ordre public dans sa conception suisse (v. art. 190 al. 2 let. e LDIP). Les Formations ont une approche téléologique plus marquée que les arbitres commerciaux. La prise en compte par celles-là des décisions antérieures du TAS crée une �jurisprudence arbitrale sportive�.
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