Couverture fascicule

Dick Harrison. — Medieval Space. The Extent of Microspatial Knowledge in Western Europe during the Middle Ages. Lund, University Press, 1996.

[compte-rendu]

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384 CAHIERS DE CIVILISATION MÉDIÉVALE, 44, 2001

COMPTES RENDUS

. Lund, University Press, 1996, 289 pp., tabl., cartes (Lund Studies in International History).

Le but de cette étude est de mesurer la « connaissance de la géographie » (le terme est ambigu ; entendez l'espace concret) chez les « gens ordinaires » de l'Europe des xme et xive s. Après une introduction générale, trois études de cas d'inégale ampleur sont développées, touchant les vallées d'Andorre dans les Pyrénées, le comté de Somerset en Angleterre, la partie orientale de la Suède.

Une louable et inhabituelle attention est portée aux questions de méthode. L'A. critique à juste titre les idées générales sans base empirique, devenues lieux communs historiographiques : les « hommes du Moyen Âge » n'auraient eu qu'un horizon très limité au-delà de leur propre résidence. Ce cliché est d'autant plus pénible que l'étude de la mobilité temporaire (par opposition aux migrations définitives) dans les sociétés médiévales est fort peu avancée. Mais dans son introduction souvent pertinente l'A. cède aussi à l'idéalisme ahistorique en traitant en quelques pages, selon une vulgate très convenue, de la « conception médiévale de l'espace » — autre généralité. Quelques erreurs de détail accompagnent ces considérations partielles (le Liber Floridus daté de 1130 ; l'auteur supposé des Voyages de Mandeville appelé à deux reprises Jean d'Outremuse ; la présentation des bastides comme villages fortifiés fait problème).

Tout essai de compréhension de la pensée spatiale doit distinguer trois données de base. Le macro-espace est « le cadre cosmologique de l'esprit, géographiquement conceptualisé » — chaque terme demanderait évidemment à être explicité, mais l'on croit saisir ce dont il est question ; le micro-espace est l'espace empiriquement connu, plus ou moins vaste selon les temps, les lieux, les groupes ; enfin différentes valeurs peuvent se trouver associées à différents éléments ou aspects de l'un et de l'autre. L'A. emploie à ce propos l'expression « espace qualitatif », comme si c'était l'une des caractéristiques essentielles de l'espace de ces temps, et comme si notre propre espace n'était pas tout aussi porteur de valeurs (ou, mieux

encore : défini par elles), donc qualitatif. Les exemples traditionnellement reçus sur ce point (la forêt, la montagne, les lieux sacralisés tels que sanctuaires et buts de pèlerinage), n'ont jamais suscité que paraphrases et banalités, ici inutilement rappelées avec la bibliographie ad hoc. On s'étonne d'autant plus de l'absence de Montaillou, dont les habitants ont apporté naguère leur témoignage sur ce point.

C'est le micro-espace qui intéresse l'A. : là est le nouveau et l'important. Pour le saisir, chez tous ceux qui ne laissent pas d'écrits élaborés, deux séries de documents sont exploitées : avant tout les chartes où ils apparaissent comme acteurs ou témoins, mais aussi les documents administratifs et judiciaires, ainsi que les traces de fréquentation des marchés, des foires et des pèlerinages. L'origine des témoins, mise en relation avec le lieu de rédaction et l'objet des chartes, permet de définir l'extension spatiale des intérêts des participants. Ceci soulève d'évidentes difficultés méthodologiques, qui sont bien prises en considération, notamment le fait, auquel les études subséquentes devront prendre garde, que chaque type de source révèle une sorte différente de conscience spatiale.

Les résultats pourront être jugés étonnants : dans les trois cas considérés, l'horizon géographique est vaste, ce qui est d'autant plus significatif qu'il s'agit de régions aux conditions naturelles différentes, plus ou moins difficiles à parcourir. En Andorre montagneuse, dépassant la paroisse et la vallée proche, il s'étend au minimum aux régions voisines (Cerdagne, Pallars, Urgel, Foix). Aux xme et XIVe s., dans le Somerset dont la partie centrale est inondée durant une grande partie de l'année, la mobilité est grande : l'écart moyen entre les deux lieux les plus éloignés fréquentés par le même personnage est de 65 à 70 km pour l'aristocratie, de 40 à 50 km pour le reste de la population ; et beaucoup voyagent plus loin, au- delà du comté. Dans la Suède orientale du xive s., que la couverture végétale soit répulsive ou non, la distance moyenne entre les résidences des témoins et des participants aux chartes est de 20 à 25 km. Comme il s'agit de moyennes, obtenues par des procédés susceptibles de minorer la réalité et l'étendue des déplacements, il est très probable que la mobilité quotidienne était plus importante que l'on ne le pense communément.

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