Couverture fascicule

Hans-Wolfgang Krautz, éd. trad. — Peter Abailard, Gespräch eines Philosophen, eines Juden und eines Christen. Lateinisch und deutsch. Franckort-sur-Main/Leipzig, Insel Verlag, 1995.

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HANS-WOLFGANG KRAUTZ

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. Lateinisch und Deutsch. Francfort-sur-Main/Leipzig, Insel Verlag, 1995, 377 pp.

Traducteur et commentateur dès 1989 de la correspondance entre Abélard et Héloïse 1, Hans-Wolfgang Krautz m'excusera, j'espère, de rendre compte tardivement de son édition bilingue 2 des Collationes 3 parue en cette année 95 où l'Unesco célébrait la tolérance, conjoncture qui, reflétée massivement à travers toute la « jaquette » publicitaire du livre, apparaît de façon mieux argumentée d'un bout à l'autre de sa « postface ».

Krautz signale comme la plus ancienne en langue moderne, ma première traduction en 1945, chez Aubier, de ce que j'appelais encore le « Dialogue du philosophe, du juif et du chrétien ». Il n'a pas connu ma nouvelle version aux éditions du Cerf en 1993, avec le Connais toi toi-même, cette fois sous le titre mieux attesté de Conférences et en admettant comme très probable une datation plus ancienne du texte 4.

1. Abaelard, Der Briefwechsel mit Heloisa, Ubersetzung und Nachwort, Stuttgart, 1989. Krautz considère la correspondance comme une gemeinsame Redaktion, rédigée en collaboration, vers 1133, au Paraclet par le célèbre couple et tenue ensuite sous le boisseau.

2. Krautz donne à gauche le latin, en gros selon Rudolf Thomas (sans renvoi à sa pagination ni à celles de Cousin et de Migne), à droite l'allemand, sensiblement plus long. Sont rejetés en note les ajouts du manuscrit d'Oxford (Balliol), au texte viennois.

3. Publiant en 1831 le cod. 829 (Vienne), Rheinwald en a retenu l'indication (d'une autre main que celle du scripteur principal) Dialogus Pétri Baiolardi, mais celle du cod. 296 (Oxford) Pétri Abelardi Collationes est la formule même du philosophe présentant à Abélard, érigé en judex, sa collatio- nis altercatio (éd. Thomas, 1. 31, trad. Krautz : Streit um Vergleich) avec le juif et le chrétien. D'autre part les Collationes qu'évoque le Commentaire sur VHexamœron concernent le souverain Bien et le Mal suprême, ce qui est précisément l'objet principal du « Dialogue » entre le philosophe et le chrétien.

4. Comme l'a montré dès 1986 Constant Mews, le ton des Collationes n'est guère vraisemblable ; au temps de Cluny et de Chalon, l'humble pénitent réconcilié avec saint Bernard correspond bien peu à l'orgueilleux « arbitre » qui se présente comme incomparable connaisseur tant des « raisons philosophiques » que des « deux Lois », d'autant plus « glorieux » que davantage persécuté. L'apparition d'un Arabe confirme une période de rédaction proche de YHistoria calamitatum et de la tentation, probablement rhétorique, d'un départ chez des gentiles réputés plus tolérants que les chrétiens mais joue dans le même sens l'ignorance du Coran.

Considérée encore comme une manière de testament longtemps occulté en raison de sa hardiesse, l'œuvre prend ainsi figure d'anticipation aux dialogues interreligieux d'un Raymond Lulle et d'un Nicolas de Cues. Certes les trois interlocuteurs qu'Abélard en son visus noctis imagine venir de trois directions pour recourir à son arbitrage, encore que cultores du même Dieu, appartiennent, selon leur porte-parole, diversis fidei sectis ; on apprendra plus tard — au détour d'une phrase — que celui-ci descend lui-même d'Ismaël et fut comme lui circoncis à douze ans, mais c'est en pur philosophe qu'il se présente expressément. Fides se doit donc entendre ici en un sens assez large pour inclure la croyance « naturelle », fruit d'arguments rationnels, en l'existence d'un Être suprême, plus proche, il est vrai, du Dieu chrétien ou islamique que le Grand Horloger des déistes puisqu'il se définira dans la suite comme créateur et rémunérateur.

Assez proche, dans un tout autre contexte, de celui par lequel saint Thomas ouvrira ses deux Sommes, le problème que se pose le « gentil » est de savoir si, pour accéder à la béatitude, suffit la lex naturalis — connue des sages grecs comme aussi « d'Abel, d'Hénoch, de Noë et de Job » — ou s'il y faut adjoindre la Loi révélée qui astreint le juif à un lourd ensemble d'obligations et d'interdits rituels, ou celle qui impose au chrétien des croyances aussi surprenantes que la résurrection des corps.

Certes, si le philosophe ne discute ici qu'avec ces deux croyants, considérés d'abord l'un comme « sot » et l'autre comme « fou », c'est qu'à l'en croire, avant de retenir leurs fois comme seules dignes de considération, il aurait procédé à l'examen complet des « diverses religions entre lesquelles le monde est actuellement divisé », ambitieuse confrontation que maître Pierre eût été fort en peine d'engager sérieusement 5. Mis assez vite hors de jeu, le judaïsme, certes respectable et calomnié, mais accusé très

5. Mieux renseigné sur l'Islam, Lulle situera face au « gentil », un juif, un chrétien et un musulman. Le Cusain admettra que la Révélation mosaïque, divinement complétée par le Christ, fut ensuite simplifiée par Mohammed à l'usage des nomades du désert arabique incapables de saisir les mystères de la Trinité et de l'Incarnation, mais laisse subsister une multitude de religions et de philosophies, lesquelles cependant, à travers la variété des rites et de formulations, pour qui sait les lire à la lumière de la « docte ignorance » (avatar plus « dialectique » de Yars lullienne), expriment une même vérité.

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