BALLION (Robert). — La bonne école. Évaluation et choix du collège et du lycée. — Paris : Hatier, 1991. — 260 p.

Robert Ballion était jusque là surtout connu pour des travaux concernant les stratégies des familles en éducation. Son livre, Les consommateurs d'école, paru en 1982 a eu une résonance immédiate au moment où se rallumait la querelle entre école publique et école privée. Il montrait ce que d'autres travaux ont confirmé depuis : les familles qui mettent leurs enfants dans l'enseignement privé y cherchent de moins en moins une affiliation religieuse et de plus en plus un recours ; lorsqu'un enfant est en difficulté dans le

secteur public, les parents font jouer la concurrence, cherchent un autre type de service qui corresponde mieux à leurs besoins. Ils sont naturellement très attachés à cette possibilité de choix : face au Léviathan de l'Éducation nationale, celle-ci apparaît comme leur seule marge de liberté, leur seul moyen d'exprimer une demande... Cette analyse était évidemment très éclairante au moment des grandes manifestations du printemps 1984.

Avec le recul, c'est un autre aspect du livre, tout aussi pionnier, qui retient l'attention. Ballion a été le premier à montrer l'irruption sur la scène scolaire d'une nouvelle logique d'action qui propose une nouvelle mise en ordre du monde scolaire. À l'époque, le devant de la scène était occupé par un jeu très dramatisé entre la logique du service public et celle de la communauté scolaire, que préconisait le rapport Legrand. Ballion nous montrait qu'un troisième partenaire entrait discrètement, qui risque fort de mettre d'accord fonctionnaires et pédagogues en croquant les uns et les autres. Ce troisième larron, c'est le marché.

Après ce succès, Ballion a tout naturellement continué dans cette voie et a monté, avec l'aide de la DEP, une sorte d'observatoire de la mise en place de la désectorisation. Il a montré l'importance du phénomène, les motifs qui guident les familles dans le choix d'un collège, d'un lycée et la restructuration des territoires éducatifs que cela entraîne. Dans toutes ces études, on trouve un double souci, de rendre compte d'une conjoncture, de saisir des logiques sociales qui émergent et qui ne sont pas encore stabilisées par les grands appareils et de renvoyer ces logiques aux acteurs. Les ouvrages de Ballion sont écrits dans une langue simple et claire, accessible à un large public, qui y retrouve une image décantée et clarifiée de son travail de chaque jour.

On retrouve ces thèmes et ces qualités dans le présent ouvrage, mais il nous semble que son intérêt va plus loin. Au terme de dix années de recherche, ce que Ballion essaie de formuler, ce sont les contours d'une « nouvelle école » qui a émergé au cours des années 80. Et il le fait en sociologue empirique qui n'a pas peur de montrer que la réalité a secoué aussi bien les tabous politiques que les routines scientifiques. Les contours de cette nouvelle école sont encore flous. Elle se définit d'abord par un certain nombre de ruptures. Une école post-démocratisation, post-com- prehensive school et post-culture critique. Post-démocratisation : l'accès des enfants des classes populaires au lycée est un fait. Il ne s'agit plus de militer pour cet accès, mais de savoir comment les encadrer et quelle culture leur donner. Post-culture critique : les usagers veulent une bonne école, compétente, efficace