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Symbiose fatale

[article]

Quand ghetto et prison se ressemblent et s'assemblent

Fait partie d'un numéro thématique : L'exception américaine(2)
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Loïc Wacquant

SYMBIOSE FATALE

Quand ghetto et prison

se ressemblent et s'assemblent

l'aube du nouveau millénaire, trois faits bruts appellent l'attention du sociologue de l'inégalité raciale et de l'incarcération en Amérique. Premièrement, depuis 1989 et pour la première fois dans l'histoire nationale, les Afro-Américains constituent la majorité des personnes franchissant chaque année les portes d'un établissement pénitentiaire. De fait, en l'espace de quatre courtes décennies, la composition ethnique de la population carcérale des États-Unis s'est inversée, passant de 70 % de Blancs au milieu du siècle à 70 % de Noirs et Latinos aujourd'hui, bien que la distribution ethnique de la criminalité n'ait pas subi de modification de fond durant cette période (LaFree et al. 1992, Sampson et Lauritzen, 1997). Deuxièmement, le taux d'incarcération des Afro-Américains s'est envolé pour atteindre des niveaux astronomiques sans équivalent dans aucune autre société, pas même en Union Soviétique à l'apogée du Goulag ou en Afrique du Sud au plus fort des violents affrontements qui marquèrent l'agonie du régime d'apartheid. Ainsi, à la mi-1999, près de 800 000 Noirs étaient sous les verrous dans les pénitenciers fédéraux, les prisons d'État et les maisons d'arrêt des comtés, chiffre qui représente un homme noir sur 21 (4,6 %) et 11,3 % des hommes âgés de 20 à 34 ans (soit un sur neuf). À quoi s'ajoute l'embastillement de 68 000 femmes noires, soit un effectif supérieur au total de la population carcérale de n'importe quel grand pays d'Europe occidentale (Beck, 2000) 1. Plusieurs études, impulsées par une série de rapports du Sentencing Project qui ont connu un certain retentissement, ont révélé qu'à tout moment, plus d'un tiers des Afro- Américains de sexe masculin de 20 à 30 ans sont en instance de procès pénal, condamnés à la prison avec sursis, derrière les barreaux ou placés en liberté conditionnelle (Donziger, 1996, p. 104-105).

Au cœur des anciennes métropoles industrielles du Nord, berceau des grands ghettos du pays, cette proportion dépasse fréquemment les deux tiers. Une troisième tendance interpelle le sociologue de la domination raciale, de l'État et de l'institution pénale en Amérique : les deux dernières décennies ont vu se creuser à un rythme soutenu l'écart entre le taux d'emprisonnement des Noirs et celui des Blancs (il est passé d'environ un pour 5 à un pour 8,5), et cette « disproportionnalité raciale » croissante s'avère être l'effet d'une seule politique fédérale, à savoir la « Guerre à la drogue » lancée par Ronald Reagan et poursuivie par les administrations successives de George Bush et William Jefferson Clinton. Dans 10 des 38 États où cette disparité entre Blancs et Noirs s'est accrue, le taux d'emprisonnement des Afro-Américains est plus de dix fois supérieur à celui de leurs compatriotes d'origine européenne2. L'élite politique

1 - Dans la mesure où les hommes représentent plus de 93 % de la population des prisons d'État et des pénitenciers fédéraux et 89 % des détenus des maisons d'arrêt, et parce que la domestication des femmes issues de la classe et de la caste inférieures continue de s'opérer principalement par le biais des bureaucraties du bras social (ou assistantiel) de l'État américain (à savoir les programmes ciblés d'aide aux démunis, welfare, et les programmes de travail forcé, work- jare, qui leur sont adjoints depuis la «réforme» de l'aide sociale de

1996), cet article se concentre exclusivement sur les hommes. Il est néanmoins urgent que soit réalisée une analyse à part entière des causes et des conséquences spécifiques de la croissance explosive de l'emprisonnement des femmes noires et hispanophones (il a plus que décuplé en vingt ans), eu égard notamment aux effets profondément délétères que l'enfermement pénal des femmes exerce sur leurs enfants (Hagan et Dinovitzer, 1999).

2 — 11 faut souligner en outre que cet accroissement de la « disproportionnalité raciale » est largement sous-estimé puisque la catégorie des « Blancs » comprend un nombre significatif et croissant de Latinos à mesure que s'accroît la part de ces derniers dans l'ensemble de la population détenue, phénomène qui est particulièrement prononcé dans les États locomotives de l'incarcération de masse tels que le Texas, la Californie et la Floride.

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