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Jean FLORI
Mort et martyre des guerriers vers 1100 L'exemple de la première croisade
Résumé
La notion de martyre dans la première croisade a fait récemment l'objet de quelques travaux qui, loin de clore définitivement le débat, incitent plutôt à le relancer.
H. E. J. Cowdrey, dans un article paru en 1985, a souligné la place importante qu'occupent les martyrs dans la hiérarchie céleste : ils se situent au quatrième rang des bienheureux, avant les confesseurs, les vierges, les pénitents et les innocents, précédés seulement de la Vierge Marie, des anges et des archanges, puis des apôtres et évangélistes1.
Cette place privilégiée des martyrs de la foi a-t-elle pu être attribuée, dès la fin du xie s., à des chevaliers morts au combat — fût-ce contre des ennemis de la chrétienté, déjà passablement diabolisés — , alors qu'à l'origine, dans l'Église, un martyr est au contraire une victime passive, voire consentante ou volontaire, mais en aucun cas résistante et moins encore agressive? Urbain II a-t-il pu prêcher aux croisés cette doctrine proprement «révolutionnaire»?
I. — Les guerriers-martyrs au XIe s
Au moment où Urbain II prêche la première croisade, plusieurs siècles se sont écoulés depuis l'époque des persécutions romaines contre les chrétiens. Cependant, l'idée que l'on pouvait perdre
1. H. E. J. Cowdrey, «Martyrdom and the First Crusade», dans Crusade and Seulement, éd. P. W. Edbury, Cardiff, 1985, p. 47-56.