Couverture fascicule

Marcus Bull. — Knightly Piety and the Lay Response to the First Crusade. The Limousin and Gascogne, c.970-c.1130. Oxford, Univers. Pr./Clarendon Pr., 1993.

[compte-rendu]

Fait partie d'un numéro thématique : Comptes Rendus
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. Oxford, Univers. Pr./Clarendon Pr., 1993, xiv-328 pp.

Les éditeurs ont déjà publié quelques bonnes études récentes sur la croisade médiévale ; celle-ci a le mérite d'un sujet bien centré sur un événement, mais traité sur la base d'une documentation aquitaine assez large pour aller du Limousin que traversent les courants de l'époque jusqu'à la Gascogne plus écartée, le Bordelais-Bazadais constituant un relais intéressant.

La première croisade a été lancée par Urbain II à la fin de 1095 dans un monde que la Paix de Dieu avait travaillé et qui avait participé à la reconquête espagnole sur l'Islam. Mais succession chronologique et proximité géographique n'expliquent pas tout : c'est ce qu'a pensé notre A. en partant des réflexions de deux écrivains aussi différents que Guibert de Nogent et Raoul de Caen, l'un et l'autre voyant dans la croisade un moyen de salut, plus accessible aux chevaliers que la vie religieuse, par la rémission des péchés. Dans cette perspective, l'ouvrage commence par confronter largement la Paix de Dieu et la première croisade, puis examine la contribution des Français dans l'Espagne de 1064 à 1 130 ; les deux influences sont révisées à la baisse. Cela fait, l'A. passe en revue le recrutement des communautés religieuses de la zone considérée en fait d'oblatures, de conversions d'adultes et de vêtures in extremis. Le chapitre suivant — et central — considère la piété aristocratique au xie s. d'après les sources narratives et diplomatiques : il appert que la classe chevaleresque est le principal soutien temporel des communautés religieuses pour des motifs que les chartes de donation, entre autres, permettent de peser valablement et l'appel

de Clermont s'adresse à des gens habitués aux démarches pénitentielles telles que le pèlerinage. Comme les communautés marquantes sont alors des sanctuaires, les esprits étaient préparés à entendre un appel également libérateur des lieux saints. Mais les choses vont plus loin : dans la même région du Limousin, un vieux sanctuaire régularisé comme Saint-Léonard de Noblat est dépassé en influence par des chapitres tout nouveaux de chanoines réguliers, comme Aureil ou le Chalard.

La conclusion souligne donc avec raison comme troisième élément dans l'élaboration de la première mentalité croisée, après la Paix de Dieu et la Reconquista, le pèlerinage dans son conditionnement idéologique traditionnel de pénitence personnelle, mais aussi dans les motivations que lui inspirent les communautés protégées par des nobles. On se doute, en effet, que des directives venues d'en haut, même reçues dans l'enthousiasme d'un sermon du pape en public, seraient restées sans écho durable pour des chevaliers sans contacts habituels avec des communautés réceptives à ces orientations : c'est évident pour les slogans de la réforme grégorienne, et c'est visible pour l'appel à la première croisade. Encore fallait-il y regarder de près quand la documentation le permettait : ce qui a été fait ici, et bien fait, si l'on considère, p. ex., le traitement contrasté des hagiographies de Géraud d'Aurillac et de Sacerdos de Sarlat.

Autant que la délimitation du sujet, il faut louer dans l'ouvrage la méthode fondée sur une documentation bien maîtrisée, du moins pour le Limousin qui offrait des cas aussi typiques que Noblat ou la famille de Bré. La clarté de l'exposé ne néglige pas les précautions verbales, parfois bien nécessaires : on voit mal (p. 259) comment on a pu bénir en décembre 1095 le cimetière d'une église dédiée en août 1093, mais sait-on jamais avec ce périple triomphaliste d'Urbain II... ? Les lecteurs d'Erd- mann, Delaruelle, Alphandéry-Dupront et autres ne pourront ignorer ce travail sobrement fourni de deux cartes et pourvu d'une bibliographie «up to date». S'il fallait rester sur une impression favorable dominante, on retiendrait le bon emploi des cartulaires — fussent-ils inédits comme celui de Solignac — dans l'illustration patiente d'un événement que les chroniques et l'historiographie postérieures risquaient d'isoler sur un sommet trop bien daté.

Dom Jean Becquet, o.s.B.