Couverture fascicule

Frances Béer. — Women and Mystical Experience in the Middle Ages. Woodbridge, Boydell & Brewer, 1993.

[compte-rendu]

Fait partie d'un numéro thématique : Comptes Rendus
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Woodbridge, Boydell & Brewer, 1993, 174 pp., ill.

Dans cet ouvrage qui témoigne une fois de plus de l'intérêt pour la mystique féminine dans les pays anglo-saxons, l'A. traite principalement de trois mystiques : Hildegarde de Bingen (1098-1179), Mechtilde de Magdebourg (v. 1210 -v. 1294), Julienne de Norwich (1343 -v. 1416). Deux chapitres de transition abordent des personnages peut- être moins connus de la spiritualité féminine à la fin du xiie s. en Angleterre, avec la Règle pour les recluses, Ancrene Riwle, et les Vies de sainte Catherine, sainte Julienne et sainte Marguerite, montrant le passage à une spiritualité plus affective inspirée par l'amour courtois. Dans le même sens, un chapitre sur Richard Rolle (1300-1349) et les cisterciennes de Hampole souligne l'importance de la direction spirituelle exercée par ce prêtre. Ces deux chapitres infirment quelque peu les affirmations féministes de l'introduction selon lesquelles les femmes auraient été privées de la parole, à quoi on peut objecter que, sauf dans les cas des rares mystiques poétesses (Hadewijch d'Anvers, Marguerite Porete) qui ont pu et su s'exprimer sans recourir à un intermédiaire masculin, ces femmes (comme les béguines que nous ne connaissons que par leurs Vies écrites par des clercs) n'auraient laissé que peu de traces. Le problème est donc plus complexe qu'il n'y paraît.

Cet ouvrage ouvre un large champ d'information sans toutefois prétendre à l'exhaustivité : dans le cas de Hildegarde — dont l'appartenance à la

société féodale est mise en valeur — , si les premières visions du Scivias sont étudiées de manière détaillée, les autres œuvres eussent mérité plus qu'une mention.

Le chapitre sur Mechtilde est plus fouillé et retrace ce que l'on peut saisir de sa vie intérieure, des élans amoureux voire erotiques de son union à Dieu lors des premières années jusqu'aux souffrances et à l'abandon de la vieillesse dans le cadre de sa mission ecclésiale, avec une bonne analyse de la «messe de saint Jean-Baptiste» (Lumière ruisselante de la Déité, II, 4). Toutefois il faudrait noter que la traversée du purgatoire et de l'enfer par Mechtilde (III, 15 ; 21) n'est pas seulement visionnaire : elle s'accompagne du désespoir à la fois voulu et subi de l'« aliénation de Dieu», la goetz- vremdung (IV, 12) qui est l'expérience du détachement total, exigence de tous les mystiques. Bien que l'élément littéraire ait une place capitale dans l'œuvre de Mechtilde, il est au service d'une théologie plus profonde que ne le pense l'A. (qui ne mentionne pas les nombreuses études parues en Allemagne sur ce sujet).

Quant à Julienne de Norwich, l'A. relève avec pertinence l'optimisme de la recluse. L'exaltation du thème de Jésus-Mère, bien que connu depuis les Pères, trouve chez elle un bel épanouissement.

Au passif de cet ouvrage qui donne une bonne introduction aux mystiques étudiées, notons, outre les traits polémiques déjà cités, quelques erreurs dans la bibliographie (attribution à E. Petroff des travaux de C. W. Bynum, ignorance de la plus récente littérature de langue allemande) et, dans l'introduction (p. 12-13), une erreur sur le personnage de la Bloemardine, qui aurait été critiquée par Jean Ruusbroec. Les recherches les plus récentes prouvent que la vraie Bloemardine qu'a connue Ruusbroec était une pieuse femme et que seul le récit tardif de Pomerius en a fait une hérétique haute en couleur.

Georgette Epiney-Burgard.