Couverture fascicule

Renata Anna Bartoli. — La « Navigatio sancti Brendani » e la sua fortuna nella cultura romanza dell'età di mezzo. Fasano di Brindisi, Schena, 1993.

[compte-rendu]

Fait partie d'un numéro thématique : Comptes Rendus
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RENATA ANNA BARTOLI

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Fasano di Brindisi, Schena, 1993, 436 pp. («Medio evo di Fran- cia», 4).

Renata Anna Bartoli a publié récemment un ouvrage important sur la Navigatio sancti Brendani et sur les œuvres médiévales françaises, occitanes et italiennes qui la traduisent ou l'adaptent. Elle s'y propose de prouver que le texte latin, considéré généralement comme une hagiographie chrétienne à la gloire de l'abbé de Clonfert qui, accompagné de quatorze moines de son monastère, parvint au paradis terrestre au bout de sept ans d'errance sur l'océan, recouvre le récit mythique d'un grand voyage d'aventures maritimes où se retrouvent les thèmes et les motifs du folklore et de la religion celtiques. Dans son travail se remarque d'emblée la conscience avec laquelle elle s'est entourée du maximum de garanties pour mener à bien son entreprise. Elle semble avoir tout lu de ce qui s'est publié sur la Navigatio et ce qui s'y rapporte. Sa méthode consiste à examiner avec un soin scrupuleux les épisodes du récit pour y chercher les éléments chrétiens et païens en faisant régulièrement des bilans, ce qui peut entraîner des redites, mais permet d'avancer en sécurité.

Dans un chapitre d'introduction (p. 31-107), elle fournit tous les renseignements utiles à sa démonstration. Pour cela, elle fait appel aux travaux des spécialistes, qu'elle cite largement dans des notes abondantes. Elle étudie ainsi les particularités du christianisme irlandais (le « voyage pour l'amour de Dieu», le «jeûne contre Dieu», les loricae, sortes de psalmodies, la place des femmes dans la liturgie) et les traditions de l'Irlande païenne (l'Autre Monde, l'« Arbre cosmogonique », l'île comme centre sacré, le parrainage, le «sid», les oiseaux messagers de l'Autre Monde, l'amour de la nature et des animaux, les «immrama», récits d'audacieuses et souvent solitaires explorations océaniques).

L'A. est alors en mesure de faire l'analyse et l'exégèse des œuvres étudiées qu'elle distingue en deux parties. La première (ch. III, p. 111-268) concerne la Navigatio sancti Brendani. Elle scrute le texte, relevant, en plus des motifs décrits au chapitre II, tout ce qui ressortit au fonds païen national, p. ex. les sources miraculeuses, le végétarisme, les hôtes hospitaliers, et au christianisme irlandais : l'influence de l'Ancien Testament, l'innocence du monde prédiluvien, si bien que la Navigatio apparaît comme une allégorie soit de l'initiation des

apprentis druides, soit du cheminement de l'âme du fidèle vers le salut. Elle y voit une «forêt de symboles» qu'elle passe en revue, entre autres, Brandan comme figura Christi, le voyage de sept ans pendant lesquels les moines parcourent un cercle qui les ramène chaque année aux mêmes îles jusqu'à ce que, récompense de leur constance, la route du paradis leur soit enfin ouverte, leur alimentation de plus en plus spirituelle, les îles, étapes et épreuves de leur initiation. Pour Renata Bartoli, le mérite de l'auteur est d'avoir harmonisé deux conceptions opposées de la vie, l'austère christianisme et le paganisme aimable. L'étude, pénétrante et vraiment révélatrice, laisse un seul regret, la rareté des citations de la Navigatio, due sans doute aux contraintes de l'édition.

À ce travail de comparatisme historique, folklorique et religieux sur les caractères intrinsèques d'une œuvre doublement signifiante succède en trois chapitres qui n'en font qu'un (p. 269-394) une comparaison plus spécialement littéraire (en raison de la personnalité de chaque auteur) entre la Navigatio et dix vulgarisations. Si l'on met à part celles qui se contentent de traduire le texte latin, p. ex. C'est la vie de saint Brandain de Gauthier de Metz, De saint Brandainne le moine, De monseignor saint Brandan, Santo Blendano, filliuolo di Fin- loca, Santo Brendano, si foe d'oltra mare, on constate que les éléments celtiques ne sont plus compris comme tels et sont devenus simplement décoratifs, l'Église d'Irlande étant désormais totalement soumise à Rome.

Alors que la Navigatio est écrite au ixe s., la plus ancienne des versions et la plus célèbre par ses qualités dramatiques et stylistiques, le Voyage de saint Brandan, de Benedeit, date de la fin du xiie. Avec lui, on change de culture et de civilisation. Si la Navigatio était « un miroir du monde claustral », le Voyage, œuvre d'un prélat qui écrit pour la noblesse anglo-normande, affaiblit le climat religieux en introduisant l'esprit courtois tout en donnant une large place à l'enfer qui n'existait pas pour les Celtes et qui devient une obsession chez les compagnons de Brandan. Dans l'épisode de Judas, le damné énumère et détaille les supplices abominables qu'il subit six jours sur sept. L'œuvre veut être édifiante et Brandan ne se lasse pas, par ses exhortations et ses sermons, de fortifier la foi timide de ses moines.

Mis à part le Voyage de saint Brandan, un seul récit est vraiment original, Misier sen Brandan, version vénitienne fort intéressante dans sa deuxième partie où la description du paradis ter-

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