COMPTES RENDUS

A Political Biogra- phy of the Angevin Count. Berkeley/Los Angeles, Univers, of California Pr., 1993, xvi-392 pp., ill., tabl., cartes.

Homme célèbre dans toute la Francia de l'époque, Foulque Nerra a regagné sa place dans l'histoire française en plusieurs étapes successives au xxe s. Tout commence avec Louis Halphen qui a rassemblé ses actes en un registre, et rédigé l'histoire de ce règne long de cinquante-trois ans, dans la première partie de son Comté d'Anjou au xie s. Olivier Guillot a repris le travail dans son étude sur Le comté d'Anjou et son entourage au xie s. Entre temps, l'historien anglais R. W. Southern a fait connaître Foulque Nerra au grand public en brossant un portrait étincelant du comte, basé sur l'étude de L. Halphen, dans son ouvrage de synthèse sur la civilisation européenne des xie et xiie s., The Making of the Middle Ages (Oxford, 1953, p. 81- 93), livre utilisé jusqu'à nos jours.

Mais, pour tous ces érudits, la vie et la carrière de Foulque Nerra ne constituaient qu'un chapitre d'une histoire plus vaste, et une biographie du comte restait à écrire. Bernard Bachrach (B.B.) s'est attelé à ce travail vers la fin des années 1970 et, depuis lors, a publié une bonne vingtaine d'articles sur divers aspects du sujet, ces articles formant la base de l'ouvrage ici recensé. Pour mesurer l'ampleur de l'entreprise, il suffit de comparer les 392 pages du livre de B.B. aux 150 pages environ de ceux de L. Halphen et de O. Guillot. Comme l'indique le sous-titre, il s'agit ici d'une biographie politique sous forme de narration chronologique du règne, précédée d'un chapitre sur la jeunesse de Foulque avant son arrivée au pouvoir.

L'essentiel du livre traite ensuite des efforts du comte pour consolider son pouvoir à l'intérieur du comté et l'étendre à des frontières plus stables. Pour ce faire, il a dû s'engager dans une série presque ininterrompue de querelles, guerres et accords avec ses voisins parmi lesquels les plus illustres princes territoriaux — le roi Robert, les ducs de Normandie et d'Aquitaine, les comtes de Chartres, Blois, Vendôme, etc. À la fin de sa vie, il pouvait se féliciter de laisser à son héritier un des plus puissants États de son temps.

Il est difficile d'envisager dans un avenir proche une troisième étape dans le développement de nos connaissances du grand comte angevin, une nouvelle biographie qui remplacerait celle de B.B., comme la sienne l'a fait de celles de ses prédécesseurs. B.B. a traité son sujet à fond et l'on est en droit de considérer sa biographie comme l'ouvrage définitif auquel devra se référer tout futur historien du xie s. français, surtout en ce qui concerne la chronologie des événements et relations personnelles du comte. Mais il faut noter qu'au cours de sa narration, l'A. traite beaucoup d'autres sujets annexes comme, par ex., l'histoire de l'Église angevine (notamment les abbayes), les écoles, l'économie rurale et urbaine, l'architecture et la sculpture, les relations avec la papauté, etc.

Le portrait de Foulque Nerra et l'évaluation de son règne, qui émanent de ces pages, sont dans l'ensemble assez proches des conclusions de Halphen et Guillot, même s'ils sont plus développés et plus nuancés. Le personnage était énergique, ambitieux, rusé, intelligent même s'il manquait d'instruction, impitoyable vis-à-vis de ses ennemis, mais prudent et sérieux (d'après B.B.), d'un tempérament violent mais doué d'une patience et d'une persévérance remarquables, ainsi qu'un guerrier acharné et un grand homme d'État. B.B. ne s'écarte de ses prédécesseurs, notamment de R. W. Southern, que lorsqu'il insiste sur le caractère néo-romain de la vie et du règne de Foulque, comme le souligne le sous-titre du livre, Neo- Roman Consul. Ce qui pose problème dans ce