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De l'étranger à l'immigré

[article]

La magie sociale d'une catégorie statistique

Fait partie d'un numéro thématique : Délits d'immigration
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Alexis Spire

DE L'ETRANGER A [1 IMMIGRE

La magie sociale d'une catégorie statistique

; usage du terme « immigré » est devenu tellement familier qu'il s'impose presque naturellement, sans qu'il soit nécessaire d'expliciter l'implicite d'une telle notion. Si pendant longtemps la figure sociale de l'immigré était systématiquement associée au travail, et plus particulièrement au travail non qualifié, la crise économique et l'importance prise par le regroupement familial ont peu à peu transformé cette image et l'assignation de l'immigré à sa fonction de travailleur semble moins prégnante : présence du « non-national » dans le «national», l'immigré est devenu celui qui a quitté son pays pour s'installer durablement sur le territoire. Mais le terme d'« immigré» conserve une forme de stigmatisation à l'égard du groupe ou de la personne auquel il s'applique. Sans que ce stéréotype soit toujours conscient ou explicite, l'immigré demeure associé à une position socialement dominée, tandis que l'étranger est davantage identifié à l'image du cadre ou du scientifique bénéficiant d'un niveau de formation élevé. Comme l'a montré Abdelmalek Sayad, ce ne sont pas seulement le diplôme et la durée de séjour en France qui font la différence entre un « étranger » et un « immigré » , « ce sont surtout et avant tout la relation inégale (relation politique, économique, culturelle, etc.), le rapport de forces entre les deux pays, les deux sociétés, les deux cultures » 1. L'étranger est plus souvent italien, espagnol ou portugais tandis que l'immigré est plutôt maghrébin et plus que tout autre, algérien. Soupçonné systématiquement de vouloir s'établir définitivement sur le territoire, l'immigré s'oppose à l'étranger associé à l'image du visiteur installé provisoirement, et dont la présence est rarement perçue comme une menace qui pèse sur la cohésion nationale.

Le terme d'« immigré » est donc une notion floue utilisée dans le langage courant depuis près d'un siècle 2 ; mais depuis 1990, elle a acquis une dimension nouvelle, puisqu'elle renvoie à une catégorie statistique dont la définition a été entérinée par une institution officielle, le Haut Conseil à l'intégration (HCI) : « Est immigrée toute personne née étrangère, dans un pays étranger, qui vit en France. » Progressivement, l'utilisation de cette catégorie s'est généralisée à l'ensemble de l'appareil statistique au point de se substituer à l'opposition juridique entre l'étranger et le national 3. Dans le langage courant, les termes d'« étranger» et d'« immigré » peuvent paraître à certains égards interchangeables. Mais transposé dans l'appareil statistique, le passage du critère juridique de la nationalité à une catégorie d'inspiration démographique traduit une modification substantielle dans la production des représentations légitimes du monde social. En privilégiant la variable du pays de naissance, le dispositif statistique tend à reléguer au second plan, voire à occulter, la polarisation entre l'étranger et le national, qui, depuis la fin du xixe siècle, structure le marché du travail à travers un ensemble de discriminations légales. Enfin, le

1 - A. Sayad, L'Immigration ou les paradoxes de l'altérité, De Boeck, Bruxelles, 1991, p. 270.

2 - Les mots « immigration » et « immigré » n'apparaissent dans aucun dictionnaire avant la fin des années 1880. Voir G. Noiriel, Le Creuset français : Histoire de l'immigration, xdF-xx? siècle, Paris, Éd. du Seuil, 1988.

3 — 11 n'est pas anodin que le volume de la collection « Contours et caractères » de l'INSEE consacré aux « étrangers » en 1986, réédité en 1994, a été suivi, en 1997, par un volume traitant cette fois des ■■ immigrés ».

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