Couverture fascicule

France et Allemagne

[article]

Deux histoires contrastées

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France et Allemagne,

deux histoires contrastées

Une série d'ouvrages récents ainsi qu'un ensemble de recherches ou de traductions en cours permettent de poser en termes nouveaux une question double, sans cesse reprise depuis deux siècles et centrale pour la culture européenne, celle, d'une part, de la comparaison France/Allemagne et celle, d'autre part, des transferts culturels entre les deux pays. Les deux approches sont en réalité indissociables comme le montre le dernier livre d'Hartmut Kaelble (1). En tentant d'élaborer une interprétation structurelle et sociale des racines de l'antagonisme franco-allemand, l'auteur rompt avec les approches cultu- ralistes souvent purement répétitives. Il fait l'hypothèse que les tendances sociales favorisent ou au contraire empêchent, selon les périodes, le développement de l'hostilité entre les deux nations, enjeu central du dernier siècle de l'histoire de l'Europe occidentale. Malgré sa capacité remarquable à synthétiser une masse considérable de données et de travaux parus tant en France qu'en Allemagne ou dans les pays anglo-saxons, Harmut Kaelble bute cependant sur la difficulté de toute comparaison synthétique, celle de l'inégal avancement des recherches selon les thèmes. Ces lacunes rendent parfois la comparaison aléatoire et renvoient en fait aux biais que les traditions et les évolutions culturelles imposent aux orientations dominantes des travaux des chercheurs des deux pays. Ainsi, par exemple, l'insuffisance des études sur la bourgeoisie allemande contemporaine contraste avec l'attention passionnée des intellectuels français à l'égard de "leurs" élites et renvoie à la tradition française du discours intellectuel anti-bourgeois né au XLXe siècle autant qu'à une très profonde différence des classes dominantes dans les deux pays. L'inventaire des différences est particulièrement utile lorsqu'il touche les domaines où une construction européenne volontariste risque d'achopper. Comment concilier par exemple la logique du système allemand centré sur les universités et celle du système français fondé sur une différenciation

sélective précoce des filières où les universités sont en position dominée ? L'hypothèse du rapprochement récent des sociétés que défend l'auteur se heurte ici à un trait de longue durée renvoyant à des idéaux culturels anciens.

Ce sont ces thèmes qu'analyse Louis Dumont dans son dernier livre au terme d'une démarche rigoureusement inverse. A partir de l'analyse du concept central de Bildung et des notions connexes, l'auteur d'Homo hierar- chicus veut rendre compte des spécificités nationales de l'individualisme moderne et notamment des versions opposées qu'en donnent les cultures politiques française et allemande depuis deux siècles. Le risque est alors de "transformer en données de la nature des phénomènes d'auto-perception" (Michel Espagne) et d'isoler abusivement des éléments décontextualisés et éternisés. Si l'argument majeur en faveur de la comparaison est de permettre au chercheur de relativiser la doxa interne de la culture dans laquelle il est lui-même pris, le choix du mode de comparaison est tout aussi crucial pour la fiabilité des résultats.

C'est pourquoi, plus encore que pour l'histoire nationale, il apparaît dommageable de privilégier, comme le font ces deux livres, soit l'approche intellectuelle soit l'approche sociale, tentation liée à l'ampleur même de la matière qu'implique toute comparaison dans le domaine des représentations. Aussi ce sont peut-être les monographies, comme celles qu'analysent Pascale Gruson et Michael Werner, qui permettront de jeter les premières bases solides d'une histoire socio-culturelle comparée des deux pays.

La tentative la plus ambitieuse à cet égard, à mi-chemin entre les monographies précédentes et les synthèses évoquées plus haut, est le dernier ouvrage de Fritz Ringer (2). Il constitue en fait le troisième volet d'un triptyque inauguré avec The Decline of the German Mandarins et prolongé avec Education and Society in

\-Nachbam am Rhein, Entfremdung und Annäherung der französischen und deutschen Gesellschaft seit 1880, Munich, C. H. Beck, 1991, 294 p.

2-Fields of Knowledge ■ French Academic Culture in Comparative Perspective 1890-1920, Cambridge, Paris, Cambridge UP, Ed. de la MSH, 1992, XII-379 p-

Actes de la recherche en sciences sociales, 93, juin 1992, pp 69-74.

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