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The Zone

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Le métier de hustler dans un ghetto noir américain

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Page 39

LOÏC J.D. WACQUANT

THE ZONE

Le métier de hustler dans un ghetto noir américain

State Street, une morne avenue toute droite d'où on distingue, au loin, à une quinzaine de kilomètres de distance, les profils futuristes et illuminés des gratte -ciel d'acier et de verre du Loop (centre ville) : la Sears Tower, plus haut building du monde, fierté de Chicago, l'étonnant profil en biseau de la Citibank, la coupole aux allures orientales de la tour de la chaîne de télévision ABC, non loin de la Bourse. On doit ralentir et faire attention en conduisant, à cause des nids de poules et des trous qui grêlent la chaussée (les plus dangereux sont parfois signalés par un bidon cerclé d'orange qu'il faut éviter par une embardée sur la gauche) et des gamins qui traversent en courant un peu n'importe où. D'autant que les feux de signalisation ne marchent pas toujours. Une voiture de police aux portières barrées des lettres bleues de la devise faussement rassurante "We serve andprotecf double en faisant hurler sa sirène et s'engouffre dans un des grands ensembles qui bordent la rue. Sur la gauche, les tours décrépies hautes de 10 à 15 étages du Robert Taylor Homes puis de State way Gardens se succèdent en enfilade sans interruption pendant plus de vingt "blocs" (environ sept kilomètres). Pareilles à de gigantesques pierres tombales, on ne voit qu'elles ; aussi loin que le regard porte, elles bouchent l'horizon.

En ralentissant, on s'aperçoit que tous les bâtiments auxquels les coursives entièrement grillagées donnent des allures de blockhaus, sont recouverts de graffiti ; les ouvertures du rez-de-chaussée sont immanquablement condamnées (soit murées, soit obstruées par des panneaux de bois), tandis qu'aux autres étages, des draps, des couvertures déchirées, des morceaux de carton servent de rideau à bien des fenêtres. Ça et là un encadrement noirci trahit un incendie récent. Bon nombre d'appartements sont abandonnés faute de fonds

pour les réhabiliter. Les logements publics sont notoirement truffés de rats, de vers, de cancrelats ; beaucoup n'ont pas vu une couche de peinture depuis 1970 ; des milliers sont occupés bien que légalement insalubres et inhabitables. La Chicago Housing Authority (office HLM de la ville) est incapable d'estimer le nombre de ses locataires. Entre les squatters, les familles expulsées qui s'installent dans un appartement voisin abandonné, les sous-locations, et les hommes et les enfants qui vont et viennent d'un ménage à l'autre, certains ensembles abritent une population qui dépasserait le double du nombre d'occupants officiellement enregistrés. Sous les entrées défoncées, sans lumière ni porte, des groupes de jeunes désoeuvrés discutent et se bousculent. La musique rap résonne partout de sa rythmique entêtante et rauque comme la rue. Elle seule remplit les parkings à demi- vides au pied des bâtiments.

Sur la droite, les terrains vagues jonchés de détritus succèdent aux bâtiments délabrés. Une station service complètement dévastée fait vis-à-vis à un ancien commerce de meubles dont il ne reste que le mur de devanture. Quelques rares magasins d'alimentation, pléthore de débits de boisson, ouverts 24 heures sur 24, sortes de cubes de briques aux étroites vitrines bardées de fer et décorées de longues banderoles vantant les dernières soldes sur les packs de bière Colt 45, le litre de vodka Smirnoff, et la bouteille de Night Train (gnôle bon marché au goût des plus douteux), qu'égaient les posters colorés du loto. La ligne de train surélevée de Jackson Park, qui traverse tout le South Side, étire son squelette rouillé au milieu de ce champ de ruines. On passe le lycée Jean-Baptiste Point du Sable - baptisé, par fierté raciale, d'après l'explorateur haïtien qui aurait "fondé" la ville -, une forte bâtisse à deux étages en style Tudor

Actes de la recherche en sciences sociales, 93, juin 1992, pp. 39-58

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