Couverture fascicule

René Nelli. — - L'érotique des troubadours

[compte-rendu]

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RENE NE

, 8°, 373 pp. (« Bibliothèque méridionale », 2e s., t. XXXVIII).

Thèse présentée à la Faculté des Lettres de Toulouse, mais aussi œuvre préparée de longue haleine ; il y a longtemps que M. R. Nelli écrit sur les troubadours : on n'a pas oublié sa contribution au numéro spécial des « Cahiers du Sud », Le génie d'oc et l'homme méditerranéen (1943) ; menant à terme l'œuvre laissée inachevée par R. L,avaud, il a publié en i960 un premier volume de textes avec traduction contenant les grands romans de Jaufré, Flamenca, Barlaam et Josaphat. L,e présent livre, très dense (pour ne pas grossir le volume, l'éditeur s'est résigné à l'imprimer en caractères assez menus), est de conception assez complexe et par là même ambigu. Il a cherché d'abord à éclairer l'amour provençal en évoquant tour à tour les hypothèses, si diverses on le sait, qui ont été formulées pour expliquer ses origines : poésie goliardique, médio-latine, liturgique (à côté de P. Zumthor, il eût fallu tenir compte de J. Chailley pour les recherches si importantes qu'il a consacrées à L'école musicale de Saint-Martial de Limoges, thèse de 1952 parue en i960), bilinguisme arabo-espagnol des refrains andalous, coutumes folkloriques relatives à la « Belle de Mai » (on est surpris ici que le nom de Gaston Paris ne soit même pas prononcé), etc. Tout cela est assez de seconde main et eût mérité d'être revu de plus près : il ne suffit pas de se référer à Hammer-Purgstall et à son vieux mémoire de la « Revue asiatique » (1849) pour être assuré de l'existence d'une chevalerie arabe. De même, avant de parler d'une influence profonde et décisive de l'Espagne musulmane sur les troubadours, il faudrait être sûr de bien connaître et d'avoir compris sa poésie, son erotique, sa « courtoisie » (si licet...) : il ne paraît pas évident que ces poètes arabes aient toujours « brûlé de chastes désirs pour ces hautes dames », princesses, filles d'émirs ou de vizirs ; ils s'adressent souvent à de simples esclaves... ou à de beaux garçons : l'amour arabe n'est pas aussi rigoureusement hétérosexuel que celui des poètes d'oc. On regrette que R. Nelli ne se soit pas adressé pour compléter son enquête un peu rapide au connaisseur exceptionnellement compétent qu'était le regretté L. Massignon ; qu'on relise les pages si profondes qu'il avait consacrées au sujet « Mystique et continence » dans les « Études carmélitaines » (1951 ; reprises dans Opéra minora, Beyrouth, 1963, II, p. 434-441) ; on méditera en particulier sur cette formule prégnante : « nous n'ignorons pas que cette exaltation, inattendue et paradoxale en Islam, de la femme, comme symbole de l'idéal paradisiaque suprême, s'est constituée en antithèse avec une conception très méprisante de la femme ordinaire... » Puisqu'il avait choisi de battre le buisson autour de son sujet, je m'étonne que l'auteur n'ait pas songé à évoquer ce qu'on pourrait appeler l'erotique féodale, ce type d'amour à dominante masculine que nous font connaître chansons de geste (l'épisode de la belle Aude dans Roland), chansons de toile et telles pièces occitanes comme la belle aube anonyme En un vergier sotz fuelha d'albespi.

La partie centrale de ce livre est consacrée à une analyse du développement interne de l'amour provençal, dans une série de chapitres consacrés à Guillaume IX, à la génération 1150 (Cercamon, Marcabru, Jaufré Rudel), à la période classique 1 150-1250, etc. Il y a là un effort remarquable de précision : on a trop souvent pris les troubadours comme un bloc sans tenir assez compte de la chronologie et de l'inévitable évolution qu'elle suppose. Je n'arrive pas cependant à être toujours persuadé par cette reconstruction ni, pour commencer, à accepter la distinction, qui lui sert de point de départ, entre « amour chevaleresque », celui qui était réellement vécu et consommé, que ce fût dans le mariage ou l'adultère, par la caste des barons, et « amour courtois », adultère lui aussi, mais seulement sur le plan moral, car « à toutes les vertus que requérait l'amour chevaleresque, l'amour courtois ajoutait la castitatz : il se complaisait dans toutes les manœuvres charnelles, dans tous les subterfuges erotiques, mais il était censé en principe éviter l'acte qui l'eût fait périr ». On échappe difficilement à l'impression que l'auteur s'est fait une image a priori de ce que devait être l'amour courtois et qu'il l'impose de force à sa documentation ; il faut bien constater du moins qu'arrivé au chaînon décisif de sa démonstration, les raisons fournies ne sont pas convaincantes. D'après la thèse, la récompense ou l'épreuve suprême de cette erotique résiderait dans Yasag, la « mise à l'essai » de l'amant par sa dame, celle-ci, nue, s'offrant aux privautés de celui-là (les termes techniques étant tener, abrassar, baisar et manejar : l'occitan dans les mots brave l'honnêteté) qui se serait interdit par serment de prendre l'initiative d'aller plus loin. Voire ! R. Nelli écrit sans sourciller : « L,es troubadours ont peu employé le mot asag (ou assais) et assez peu décrit la chose » ; alors qu'en sait-il ? L,es trobairitz, elles, se seraient montrées beaucoup moins réservées, et l'on nous propose une traduction sollicitée d'une chanson

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