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Jacques Pignon. — L'évolution phonétique des parlers du Poitou (Vienne et Deux-Sèvres)

[compte-rendu]

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JACQUES PIGNON

, 586 pp., 28 cartes (« Biblioth. du ' Français moderne ' »)x.

Voici un monumental travail par lequel devra désormais commencer toute étude du poitevin. En ce gros livre, J. Pignon ne nous livre pas seulement une analyse synchronique de ce qui reste encore de l'ancien dialecte, mais une véritable somme de ses caractéristiques depuis le moyen âge jusqu'à nos jours : en bref, trois couches chronologiques qui vont concourir à fixer définitivement la typologie d'une entité linguistique à vrai dire assez mal définie : i° l'état actuel des parlers, résultat d'enquêtes sur le terrain ; 2° un état antérieur, datant de la fin du xixe siècle, obtenu plus ou moins directement, mais qu'on ne pouvait pas ne pas essayer de fixer ; 30 une plongée dans le passé pour confirmer cette typologie à la lumière de documents écrits soigneusement inventoriés, d'analyses diachroniques minutieuses, et éventuellement de la toponymie.

Soulignons d'abord les difficultés de la tâche entreprise : difficultés qui sautent aux yeux quand on compare le terrain d'enquêtes de J. Pignon à celui d'un dialectologue opérant par exemple dans le domaine d'oc. Ici, des dialectes en général bien conservés, aiix structures solides et s'opposant nettement à la langue nationale ; là, des parlers en voie de disparition — l'auteur y insiste à plusieurs reprises — et dont les structures et les formes interfèrent sans cesse avec celles d'un parler directeur de même famille. Si bien que les lignes de clivage linguistique sont toujours extrêmement flottantes et que les sujets parlants en prennent rarement conscience : dialecte spécifique, français local et français urbain se mêlant toujours en un complexus dont l'analyse est délicate. C'est dire les tours de force auxquels doit se livrer un enquêteur qui, s'il ne veut pas se contenter d'un français rural qu'il pourrait aussi bien trouver en Touraine, en Orléanais ou en Berry, doit s'appuyer parfois « sur de véritables fossiles linguistiques pour essayer de reconstituer l'état du patois vers 1900 ».

Le but de l'auteur n'a donc pas été essentiellement d'« obtenir une photographie des parlers poitevins actuels ». Se plaçant résolument dans le cadre de l'histoire et considérant l'existence d'une entité dialectale poitevine qui s'est actualisée dans le temps et dans l'espace, il a entrepris de nous en livrer l'image la plus complète. Et c'est cette image, à laquelle il a su redonner tout son éclat, qui va nous éclairer singulièrement, non seulement sur l'appartenance linguistique du poitevin, mais aussi sur d'anciens et délicats problèmes de philologie et de littératures romanes.

Tout d'abord, quel est le domaine de l'enquête ? J. Pignon s'est limité aux deux départements de la Vienne et des Deux-Sèvres, laissant de côté l'actuelle Vendée. C'est donc le cœur du Poitou qui l'intéresse au premier chef. Mais pour définir cette entité poitevine, il était indispensable de la poser en l'opposant ; d'où de fréquents sondages dans les domaines limitrophes : Touraine- Anjou et Haute-Bretagne, au nord ; Berry, au nord-est ; Angoumois, Aunis et Saintonge, au sud ; Confolentais, Haut-Limousin et Marche, à l'est et au nord-est.

La situation géographique du Poitou explique déjà sa situation linguistique. Région de marche et de transition, il verra ses parlers romans hésiter pendant longtemps entre l'attraction du Nord et celle du Midi, entre le monde d'oïl et le monde d'oc. La double appartenance est pour lui un fait fondamental.

Déjà, une celtisation de moindre importance semble le lier au monde occitan. On a constaté par exemple que c'est à l'est d'une ligne Civray-Châtellerault que se trouvent, dans les parlers poitevins, le plus grand nombre de traits occitans. Ht cette ligne semble bien correspondre à une ancienne limite entre deux tribus importantes de la Gaule primitive. A l'époque romaine, Poitiers deviendra un grand centre de romanisation et, plus tard, de diffusion du christianisme. Mais c'est toujours à l'Aquitaine, à l'époque gallo-romaine, que sera lié le sort du Poitou. En effet, quand fut partagée la grande Aquitaine d'Auguste, Poitiers, comme Saintes, Limoges et Angoulême, fut rattaché à la seconde Aquitaine, dont Bordeaux était la capitale, non à Bourges. Cette attraction vers le Midi se poursuivit après la décadence de l'Empire romain, puisque le Poitou fit partie de ce grand État wisigothique qui recouvrit l'ancienne Aquitaine d'Auguste et une partie

1. Ce compte-rendu était déjà sous presse quand nous avons appris la mort brutale de Jaques Pignon. Qu'il nous soit permis de l'offrir eu hommage à sa mémoire, avec notre admiration pour son œuvre où il avait mis tant de lui-même.

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