Couverture fascicule

P. Zumthor. — Guillaume le Conquérant et la civilisation de son temps

[compte-rendu]

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, 8°, 396 pp.

La prestigieuse figure de Guillaume le Conquérant a jusqu'ici fait l'objet de plus d'écrits romancés que d'études proprement historiques ; mais, dans tous les cas, la distinction peut être aisément faite entre ces deux catégories d'ouvrages ; on classe sans hésiter dans le second groupe les livres de Freeman, de F. M. Sten- ton et le magnifique et tout récent William the Conqueror de David C. Douglas ; dans le premier, les essais par exemple, de H. Belloc, de Lucie Delarue-Mardrus ou de J. de La Varende. Auquel des deux appartient l'ouvrage de M. Zumthor ? Il n'est point si facile d'en décider. Au fil de la lecture, on sent parfois l'auteur glisser de l'histoire à la fiction, abandonner le solide terrain des certitudes et céder à la fantaisie qui l'attire vers les belles histoires d'un Wace ou d'un Benoît de Sainte-More ; il raconte alors celles-ci, parfois sans indiquer jusqu'à quel point il y ajoute foi, parfois en laissant entendre d'un mot qu'il n'y croit guère. Ainsi la première rencontre de Robert le Libéral et d'Ariette, celle de Guillaume le Bâtard et de Mathilde de Flandre, le complot de 1046/47, la bataille du Val es Dunes, la brouille du duc Guillaume et de Lanfranc, et d'autres épisodes encore, passés sous silence ou laconiquement mentionnés par les sources proprement historiques, sont-ils longuement racontés par M. Zumthor, d'une plume alerte, avec un charme auquel on se laisse aisément prendre1. Mais, la lecture terminée, on ne peut se défendre d'une inquiétude : comment le lecteur non averti fera-t-il le tri entre l'historique et le romancé ? L'originalité, la solidité de certaines pages ne cautionnent-elles pas ce qu'ont de fragile beaucoup d'autres ? La tâche du recenseur n'est, en tout cas, point facile.

L'auteur indique dans le libellé du titre et dans sa préface son intention de situer la figure de Guillaume et le récit de sa vie dans un cadre fort large. Cette promesse est tenue. Le premier chapitre du livre, intitulé « L'homme de l'an mille » évoque l'Europe du xie siècle naissant et sa civilisation ; et maintes fois ensuite le récit s'interrompt pour laisser place à l'exposé de faits contemporains, mais assez étrangers à l'histoire de la Normandie ; on hésiterait à parler de « digressions » si M. Zumthor n'annonçait lui-même avec cette dénomination (p. 210) les pages qu'il consacre à l'art roman.

Les plus intéressantes de ces digressions et les plus neuves concernent (mais on pouvait s'y attendre) l'histoire littéraire. On signalera particulièrement les pages consacrées à l'acculturation de la langue vulgaire en Normandie dès le xie siècle, où l'auteur résume quelques-unes des idées plus amplement développées dans son récent livre Langue et techniques poétiques à l'époque romane. En revanche, certains de ces excursus sont d'une opportunité discutable, et l'on y trouve des affirmations sommaires et fort contestables. Était-il nécessaire de résumer dans un paragraphe de quatorze lignes (p. 159) les péripéties du schisme romain tricéphale de 1045 /46 ? C'est, en tout cas, méconnaître gravement la personnalité de Jean Gratien que de l'apparier à Benoît IX en parlant de « deux complices ». Concernant encore les affaires romaines, l'auteur prête à Hildebrand un rôle qu'il n'a certainement pas tenu avant le pontificat d'Alexandre II, et ne tient pas un compte suffisant des autres tendances de l'opinion prégrégorienne.

Il semblerait parfois que M. Zumthor ait craint de n'être point complet ; ce qui le contraint d'alourdir son exposé d'une foule de noms, de dates, de faits mineurs. On est alors plus près du résumé que de la synthèse ;

1. On sursaute néanmoins lorsque l'on voit apparenter aux poèmes des scaldes la « cantilène populaire » qu'aurait utilisée Wace pour raconter le combat du Val es Dunes. Qu'un tel poème ait existé, c'est possible ; mais le répertoire des « jongleurs » que Wace raconte avoir entendus à Fécamp n'avait certainement rien de commun avec la poésie quasi hermétique des scaldes.

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