L'art roman en France, par Marcel Aubert, Georges Gaiixard, Michel de Bouard, René CrozET, Marcel Durliat, Marc Thibout, J. Vallëry-Radot, Fernand Benoît. Paris, Flammarion, 1961, in-8°, 464 pp. et nombreuses ill.

Lancer un volume sur la France romane, vue dans son ensemble et jusqu'en ses plus modestes églises, en faisant appel à l'aide d'archéologues avertis et s'exprimant comme tels, voilà qui constitue, à y bien réfléchir, une expérience neuve. Non que l'art roman ait été délaissé, tant s'en faut ; de nombreux livres ont paru, ces derniers temps surtout, sous des signatures de valeur, consacrés à l'un ou l'autre aspect de ce monde des formes. Mais c'est bien la première fois que l'on songe à réunir une équipe de spécialistes connus et qualifiés pour exposer (et non pas seulement évoquer) l'essentiel du développement architectural, sculptural et pictural en France aux xie et xne siècles, avec nombreuses photos à l'appui. L'originalité du volume que nous donnent aujourd'hui les éditions Flammarion réside avant tout dans son utilité, ceci dit en gardant au mot son plein sens. Il faut en rendre hommage à M. M. Aubert, qui a suscité une telle équipe et hautement dirigé l'œuvre.

Il ne s'agit pas là d'un manuel pour touristes, dont on pourrait expédier en deux lignes le compte rendu. Que l'on ne s'attende pas non plus, cependant, à y trouver les développements complets d'une somme, ni les caractères d'un traité. Nous sommes loin, évidemment, de l'énorme in-quarto de Robert de Lasteyrie, L' architecture religieuse en France à l'époque romane, d'une maniabilité très relative (847 pp. dans la 2e éd. de 1928, revue et augmentée par M. M. Aubert), œuvre qui donnait en réalité beaucoup plus qu'elle n'annonçait, puisque l'auteur avait mené à bien toute l'histoire des origines et enveloppait, sous le ternie d'architecture, la sculpture, la peinture et le mobilier. Dans L'art roman en France, le texte, qui suit de très près les nombreux documents photographiques, est court, mais toujours dense aussi bien que précis et tient compte, le plus souvent, de l'actualité des problèmes. Il ne se réduit pas à un simple condensé des doctrines courantes. Chacun des auteurs a pu apporter, en quelques mots seulement il est vrai, le reflet de longues recherches personnelles et, à l'occasion, faire allusion à l'œuvre de tel savant ayant fixé un point particulier. On eût seulement aimé que ces allusions fussent plus fréquentes, le manque total de bibliographie se faisant cruellement sentir en ce volume.

L'introduction générale et la conclusion sont de la main de M. M. Aubert. On admirera, comme toujours chez ce maître de l'art des cathédrales, l'aisance dans le raisonnement et la limpidité de l'exposition. La secrète préférence exprimée, surtout dans les dernières pages, pour l'art gothique, ne surprendra pas. Il est cependant permis de ne pas considérer l'extension de la croisée d'ogives et de l'art gothique comme une évolution mathématiquement sûre vers la perfection esthétique. Que la voûte romane ait été plus difficile à construire que la voûte gothique explique que l'on ait délaissé la belle voûte en berceau, mais n'implique pas que celle-ci ait été toujours empreinte d'une certaine maladresse, ou dangereuse, en somme inférieure à celle qui la supplanta : l'exemple de Conques nous est motif de réconfort et d'admiration, parmi des centaines d'autres. La fuite des arcs doubleaux, qui rythment les travées en la plupart des monuments de