Pierre Lombard. — Sententiae in IV libris distinctae, t. I, pars I-II. Prolegomena, Liber I et II, éd. Collegio San Bonaventura. Grottaf errata, 1971, 2 vol. gr. 8°, 169 et 642 pp. (« Spicilegium Bonaventurianum », 4).
La renommée de Pierre Lombard, du Magister Sententiarum, n'a, pour ainsi dire, subi aucune éclipse depuis le xiie s. En témoignent les manuscrits pratiquement innombrables que l'on trouve encore dans les Bibliothèques et les travaux, eux aussi innombrables, qui de la fin du xne à la fin du xive s., ont eu pour point de départ les Quatre livres des Sentences.
Les Sentences sont une vaste compilation donnant, sous un bref volume, l'enseignement des Pères et réalisant une véritable synthèse théologique. Chacun peut y trouver ce qu'il cherche. Le 1. I, avec ses considérations sur Dieu, sa nature, sur la Trinité, s'ouvre aux spéculations théologiques les plus hardies et aux considérations métaphysiques. Le 1. II, par son étude de l'œuvre des six jours et de l'homme, se prête davantage aux problèmes de cosmologie et de psychologie. Le 1. III en étudiant le Christ et sa venue dans les âmes, avec son traité des vertus et des commandements, touche à de graves problèmes dogmatiques ou moraux. Le 1. IV enfin, avec son traité des sacrements, est la terre d'élection des canonistes.
Rien d'étonnant donc à ce que, dès le début du xme s., les Quatre livres des Sentences aient été considérés comme le véritable manuel des étudiants en théologie. Un cours consacré au commentaire intégral des Sentences leur était imposé pendant les cinq premières années de leurs études, puis, devenus bacheliers, ils devaient à leur tour « lire » pendant deux années les Quatre livres des Sentences avant de pouvoir accéder à la licence et aborder enfin l'étude directe des textes sacrés. D'où le nombre infini de Commentaires par des auteurs devenus célèbres ou restés anonymes qui nous renseignent si bien sur l'évolution de la pensée théologique au moyen âge.
Témoignent encore de la renommée du Lombard les nombreuses éditions qui ont été faites des livres des Sentences depuis la découverte de l'imprimerie. On compte, en effet, seize éditions incunables, plus de soixante datées du xvie s., quelques-unes encore au xvne et au xvme s. Si l'abbé Migne, au xixe s., s'est contenté de reproduire l'édition faite par Jean Aleaume à Anvers en 1757, en y apportant quelques corrections puisées dans une édition parisienne de 1538, en 1882 les Pères franciscains de Quarrachi entreprenaient la première édition critique du Maître de Sentences. En réalité cette première édition, dirigée par le P. Ignatius Jeiler, se proposait de donner le texte du commentaire de saint Bonaventure, mais à cette occasion le texte des Sentences lui-même fut corrigé d'après cinq mss. de la Bibliothèque nationale de Florence et neuf éditions anciennes. En 1916, les Pères de Quarrachi, sous la direction du P. Albanus Heysse donnaient une nouvelle édition uniquement consacrée cette fois à Pierre Lombard et pour laquelle ils utilisèrent un grand nombre de mss. anciens, principalement du xne s. En 1959, cependant, la commission théologique du Quarrachi décidait de mettre en chantier une nouvelle édition, considérant que celle de 1916, si utile qu'elle fût, n'avait pu, étant donné l'état de guerre, tenir compte de toutes les sources existantes et que d'importants et nombreux travaux parus depuis cette date avaient modifié bien des problèmes. C'est seulement en 1971 que parurent les prolégomènes et le tome Ier de cette nouvelle édition, le long et savant travail des Pères ayant été retardé à plusieurs reprises par de fâcheux événements : le décès le
