Sylvain Maresca
THEATRE
DELA
PROFESSION
le contrôle
collectif
de l'installation
desjeunes
agriculteurs*
Comme récemment d'autres pays européens, la France a mis en oeuvre depuis 1973 une politique spécifique d'aide à l'installation dans l'agriculture. Pour l'essentiel, l'État bonifie des prêts en faveur des nouveaux installés (les «prêts jeunes agriculteurs», dit «prêts JA») et, à certaines conditions, leur attribue une subvention, la «dotation jeune agriculteur» (DJA). L'ensemble du dispositif est appliqué largement par le canal des organisations professionneUes agricoles (OPA). Ainsi, tout candidat désireux de bénéficier des aides publiques doit remplir un dossier auprès de l'Association départementale pour l'aménagement des structures agricoles (ADASEA), qui juge de sa recevabilité et qui l'instruit pour le compte de l'administration de l'agriculture. Le jeune ne doit pas être encore installé, mais avoir déjà la certitude de pouvoir exploiter au moins une certaine surface (une «surface minimum d'installation», la SMIj qui est définie pour chaque département ou petite région agricole). Il doit, en outre, avoir moins de 35 ans mais, depuis 1984, au moins 21 ans. Enfin, le niveau de formation requis est le Brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) : acquérir ce diplôme nécessite deux années d'études après le CAP agricole ou, pour son équivalent, un stage de formation continue de 800 heures.
L'ambition d'une relève durable
L'intervention collective en faveur de l'installation mobilise l'ensemble des espoirs que les OPA et les pouvoirs publics mettent dans l'évolution à venir de l'agriculture et des agriculteurs. Car la notion d'«installation» ou, selon une autre expression courante dans les milieux dirigeants agricoles,
F«accès des jeunes à la responsabilité de chef d'exploitation» relève d'une conception profes- sionnaliste qui voit dans cet acte, pourtant purement juridique, une étape capitale qui regrouperait en un seul instant le choix du métier d'agriculteur et la création d'une entreprise agricole. L'installation est donc définie par principe comme un acte d'indépendance, voire de rupture vis-à-vis de l'environnement familial ; elle est synonyme de projet professionnel et à ce titre, mais à ce titre seulement, mérite aide et encouragement. Considérés et célébrés comme les chefs d'exploitation du futur, ceux qui s'installent aujourd'hui et, surtout, ceux que l'on aide à le faire concentrent aussi sur eux les espérances que la profession organisée met dans son propre renouvellement (1). Or, la première des attentes concerne la viabilité des installations encouragées, c'est-à-dire, avant toute autre chose, la capacité de ces nouveaux exploitants à se maintenir durablement dans l'exercice du métier. Il y va non seulement de leur réussite personnelle mais
*Cet article restitue un fragment de l'étude réalisée avec Patrick Champagne sur la succession et l'installation dans l'agriculture. Cf. P. Champagne, S. Maresca, De la succession familiale à l'installation professionnelle, Dijon-Paris, INRA, 1986.
1— «L'installation d'un grand nombre déjeunes agriculteurs ne peut être qu'avantageuse pour la profession. Elle est source de dynamisme professionnel. Les jeunes sont encore les meilleurs artisans de la propagation du progrès technique et du développement. Plus soucieux que quiconque de l'avenir, ils défendent au sein des organismes professionnels et vis-à-vis des responsables de la politique agricole des positions qui permettent à la profession tout entière une meilleure adaptation aux transformations» (CNJA (Centre national des jeunes agriculteurs), Installation : relever les nouveaux défis, Royan, 1983, p. 30). Il faudrait analyser plus complètement quels intérêts spécifiques aux structures professionnelles sont en jeu lorsqu'elles interviennent en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs. liest probable, en tout cas, que le contrôle accru des conditions d'installation est l'un des multiples moyens à leur disposition pour renouveler leur propre personnel dirigeant et s'assurer une base plus réceptive à leurs modèles professionnels. Cela vaut particulièrement pour le CNJA dont l'intérêt est très grand à continuer d'apparaître comme le seul porte-parole syndical des «jeunes agriculteurs».
