Les nouvelles conditions du progrès
économique : de la rigidité de l'offre
à l'économie de service (*)
Orio GIARINI
Professeur en Économie des Services à l'Institut Universitaire d'Études Européennes de l'Université de Genève
Premier président du « Service World Forum » de Genève, à sa fondation
(1985 et 1986)
I. - La rigidité de l'offre
Depuis plus d'une décennie, il est question de la crise du développement économique. Cette crise est caractérisée par : un taux de croissance moyen de l'économie qui, dans les pays industrialisés, se situe autour de 2 %, une instabilité monétaire internationale accrue, un taux de chômage élevé, un taux d'inflation en voie de diminution, mais encore élevé dans divers pays, l'explosion du déficit national et/ou international de l'État, des entités publiques et privées. Cette situation est due avant tout à un processus de rigidification de l'offre économique, qui a empêché un redressement du développement économique à des taux élevés, capable de résorber le chômage et les déséquilibres monétaires qui se sont fortement accentués depuis 1973. Cette situation de rigidité de l'offre a deux origines bien précises : une origine quantitative et une origine qualitative.
La rigidité quantitative de l'offre économique dépend en premier lieu du phénomène des rendements décroissants de la technologie (2). Ce phénomène, dont on a pu observer le développement progressif dans les années 1960, a affecté la majorité des secteurs industriels manufacturiers : le moment de rupture est intervenu à partir de 1973, quand, face aux tensions internationales autour des problèmes des ressources énergétiques, il a fallu constater que les progrès technologiques n'étaient pas en mesure de mettre à disposition de nouvelles méthodes d'extraction ou de nouvelles ressources énergétiques à coûts décroissants. Qu'il s'agisse de rechercher de nouvelles sources énergétiques dans des zones où la mise en valeur est de plus en plus difficile ou de développer de nouvelles sources d'énergie renouvelables, ou d'abaisser, de manière substantielle, les coûts de l'énergie nucléaire, l'expérience de près de 15 ans a mis en évidence que, contrairement au mécanisme qui a stimulé deux siècles de Révolution Industrielle, le déséquilibre entre la demande
(1) Article traduit de l'italien (« Le nuove condizione del progresso económico ».
(2) Cf. Orio GIARINI et H. LOUBERGE, « La civilisation technicienne à la dérive : les rendements décroissants de la technologie », Dunod, 1979.
196 REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE - n° 43, 1" trimestre 1988
