Les services au cœur de l'économie relationnelle

Albert BRESSAND et Kalypso NICOLAÏDIS

(PROMETHEE)

Le débat actuel sur les services fait une très large place à l'analyse de quelques dichotomies et de leurs évolutions :

— biens/services ;

— services intermédiaires/services finaux ;

— standardisation/individualisation des produits ;

— internationalisation/externalisation des services par les entreprises.

C'est autour de ces dichotomies que tend à s'organiser la description de la réorganisation de l'économie. On plaidera ainsi la thèse de la part croissance prise par les services (Giarini) ou au contraire du retour de la consommation de biens (Gershuny) à moins qu'on ne mette l'accent sur les allers/retours permanents entre ces deux pôles (Rada).

Les réflexions présentées ci-dessous ont pour hypothèse commune que ces dichotomies elles-mêmes relèvent de l'organisation économique en voie de dépassement et que le point de départ de l'analyse doit être placé en amont. D'où la démarche qui consiste à partir de trois remises en cause fondamentales — concernant respectivement les notions de produit, de transaction et d'entreprise — avant de proposer certains éléments d'un nouveau mode d'interprétation et de représentation autour des concepts de réseau et d'intégration.

Au-delà de la réflexion sur les services, c'est la dynamique d'ensemble du système économique qui est l'objet de cette analyse. La mise à l'honneur des « services » en tant que catégorie économique centrale est en effet l'amorce d'une réponse conceptuelle à l'observation des mutations économiques en cours. Ainsi est-il accepté aujourd'hui que la notion de « service rendu » est à même de caractériser aussi bien le secteur industriel que tertiaire, et que l'on peut considérer comme accessoire le fait de savoir si cet échange de service est médiatisé ou non par l'échange d'un bien (Zarifian, 1987).

La conception traditionnelle du produit en faisait le résultat, stable et prévisible, d'un processus de production se déroulant dans les frontières clairement repérées d'une entreprise. A la production succédait la transaction qui voyait le produit changer de main, instantanément et complètement, sans changer lui-même en rien. Plutôt que de s'efforcer de faire tenir les services sur ce lit de Procuste,

REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE - n° 43, 1" trimestre 1988 141