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Jaufré Rudel, professeur de morale

[article]

Année 1966 78-77-78 pp. 415-422
Fait partie d'un numéro thématique : Yves Renouard : L'homme et l'œuvre
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Jaufré Rudel, professeur de morale

A la question de savoir si l'on peut discerner chez les premiers troubadours un souci quelconque d'enseigner la morale, on répondrait sans doute que l'œuvre laissée par Guillaume IX, le plus ancien poète de langue vulgaire, pour mince qu'elle soit, n'en contient pas moins en germe à peu près tout ce qui inspirera par la suite la lyrique et qu'en effet on peut voir dans ses rodomontades contre les maris jaloux qui enferment leur femme et dans quelques réflexions désabusées sur la vertu des dames l'embryon d'une morale courtoise condamnant l'hypocrisie pour exalter la loyauté et un certain chevaleresque. On penserait surtout au troubadour qui, dans la première moitié du xn* siècle, a su exercer un talent vigoureux de poète satirique contre la société qui l'entourait : Marcabrun ne s'est pas privé de fustiger ses contemporains, de stigmatiser leurs vices, de prôner une courtoisie essentiellement conçue comme une élévation de la vie, des mœurs, des sentiments. Mais il semble qu'on chercherait en vain chez les autres poètes de la même période un semblable désir de corriger autrui ou de prêcher une doctrine, une éthique : ils ont assez à faire, dans leurs chansons d'amour, quand ils expriment ce que ressent leur cœur délicat.

Songerait-on à voir en Jaufré Rudel un professeur de morale? N'est- il pas le mystérieux poète de ? ? amour de loin >? Que son amour soit l'expression ou le symbole d'une aspiration, d'une vénération mystique, qu'il soit le vague élan d'une sensibilité émue par l'idée d'une féminité indéfinie et inaccessible ou par le souvenir d'une femme connue, mais impossible à atteindre, Jaufré a été un artiste, qui, par les images les plus sensuelles ou les plus pittoresques, a su exprimer un rêve, où se mêlent le thème de l'éloignement, celui de la jouissance désirée, celui de l'irrémédiable frustration du bonheur, comme le dit l'émouvante et terrible conclusion de sa plus belle chanson :

Mas so qfieu vuoiU m'es atahis.

Totz sia mauditz lo paMs

Qe-m fadet tfieu non fos amatz! (V, v. 50-52) i.

« Mais ce que je veux m'est interdit Tout maudit eoit le parrain qui m'a jeté le sort de ne jamais être aimé! »

1. Nos citations et nos références correspondent à l'édition d'Alfred Jean- roy, Les Chansons de Jaufré Rudel, Paris, Champion, 1924 (« Classiques français du Moyen âge », n° 15).

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