Luc Baboulet

Du document au monument.

Quelques jalons pour une légende de l'architecture

La légende, c'est ce qui doit être lu : tantôt un rituel, tantôt une mémoire, tantôt un outil de compréhension, plus toutes les combinaisons possibles.

Au début, la légende a d'abord une valeur scripturaire : dans les monastères, on lit chaque jour une vie de saint; c'est à la fois un rituel de déférence et une manière de perpétuer le souvenir des hauts faits, qui jour après jour et siècle après siècle deviennent toujours plus légendaires.

C'est ainsi que la mémoire persiste et se transmet, jusqu'à ce qu'on érige un temple ou qu'on mette en scène une relique : on installe le souvenir dans la durée mais aussi, en le confiant à quelque chose de plus durable que soi, on s'autorise un peu d'oubli, on s'épargne la répétition. La deuxième valeur de la légende est ainsi liée au monument - peut-être faudrait-il l'appeler valeur « monumentaire ». « Ce qui doit être lu » signifie alors la manière d'interpréter le monument : ce qu'il faut y voir, c'est-à-dire l'événement qu'il commémore, et qu'il n'évoque que par l'allusion, ou le symbole.

Tout cela, qui demeure en principe vivant et compréhensible pour la communauté concernée, exige du visiteur extérieur le recours à des lectures complémentaires : guide de voyage, histoire de l'art... — tout ce qui peut contribuer à rendre explicite ce qui est impliqué. C'est la troisième valeur de la légende, qui est documentaire et informative.

La valeur scripturaire s'est quelque peu perdue, mais le document et le monument sont plus que -jamais présents. L'inflation informative et patrimoniale en témoigne, dont: les ressorts ne sont si intriqués que parce qu'il s'agit- toujours, au fond, d'un: problème de légende. -Une chose est donnée : faut-il la lire ? Comment la lire ? Et, enfin, qu'est-ce qu'on y lit ?

435