Elena Brambilla

Histoire de Mie Mie.

Déférence et reconnaissance

entre Ancien Régime et Révolution

On a choisi de présenter et commenter ici une histoire vraie, l'histoire de Mie Mie : un fascinant roman épistolaire, qui commence aux années 60 du XVIIIe siècle pour se terminer aux débuts de la Révolution française. Ce roman est raconté dans des lettres authentiques échangées par des vrais aristocrates, vivant la vie frivole et libre, élégante et cosmopolite du « monde » à la fin de l'Ancien Régime. La bataille légale et sentimentale qui se déclenche pour la garde de la petite Mie Mie a ses origines dans une histoire d'adultère, d'illégitimité et d'abandon d'enfant, et donne naissance à une paternité affective, fondée sur la reconnaissance individuelle et l'éducation ; enfin, elle nous présente sous une lumière crue les conséquences de ce modèle « galant » de mariage, le mariage ouvert ou libertin, adopté par beaucoup de nobles pendant le XVIIIe siècle.

Dans les hauts et bas dramatiques de cette histoire, tous les protagonistes risquent leur réputation, ce qui va nous permettre de distinguer entre la déférence, due à leur position publique selon la loi, encore liée surtout à la naissance et aux droits héréditaires, et la reconnaissance de la personne, fondée sur des atouts que l'on peut acquérir ou perdre pendant sa vie, abstraction faite des conditions de naissance : liens d'amour, mérites du comportement moral, instruction et richesse. On partira d'une première lecture de la correspondance1, en la complétant par les commérages que des aristocrates échangent sur les faits en trois langues et dans trois capitales, Londres, Paris et Milan2; on la fera suivre d'une analyse plus approfondie, avant tout des liens familiaux, des systèmes de parenté et des mœurs privées, et enfin du rôle public de l'aristocratie à la fin de l'Ancien Régime.

Le protagoniste anglais est George Selwyn (1719-1791), d'une famille typique de la county gentry étudiée par Stone? : une résidence de campagne près de Gloucester, un réseau solide de parents aussi bien dans la gentry que dans l'aristocratie des pairs, et un droit presque naturel à un

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