Présentation *

La juxtaposition inhabituelle - du moins pour un lecteur français - des termes utilisés dans le titre de ce numéro peut surprendre. La rumeur, information brève transmise de bouche à oreille dans un milieu déterminé pendant un temps assez court, semble bien différente de la légende, forme narrative longue qui transcende les siècles et les pays pour se fixer souvent en un texte écrit, comme l'indique l'étymologie du mot legenda, « ce qui doit être lu ». Plus surprenant encore est l'adjectif contemporains pour désigner des récits que l'on situe généralement dans un lointain passé et dont le contenu irrationnel est tel qu'une actualité de ces histoires est proprement impensable dans nos sociétés modernes.

Pourtant, le rapprochement de ces notions n'est nullement arbitraire. Il reflète une réelle convergence entre plusieurs courants et champs de recherche jusqu'ici séparés. La comparaison des bibliographies présentées à la fin de ce volume est sur ce point éclairante. La tradition française a longtemps privilégié une approche sociologique des faits divers (Auclair 1970) et des imaginaires modernes (social, politique, scientifique) (Reszler 1981, Sauvy 1985, Girardet 1986), non sans fournir quelques solides études sur les rumeurs (Morin 1969, Rouquette 1975, Gritti 1978, Kapferer 1987). Mais le lien entre ces trois champs de recherche est rarement explicité et le recours aux données folkloriques quasi inexistant. De son côté, le folklore restait en dehors de ces préoccupations, étant essentiellement tourné vers l'étude des « survivances » et des cultures traditionnelles à dominante rurale. Parallèlement, le courant anglo-saxon, qui avait, dans les années 40, fourni des travaux fondateurs de psychologie sociale sur la rumeur (Allport et Postman 1945), a été révolu-