Sébastien Darbon

La « grande famille » du rugby

Entre hospitalité et solidarité

Parmi les nombreux discours que tiennent sur eux-mêmes, non sans complaisance parfois, les adeptes du rugby à XV, il en est un qui revient fréquemment : le rugby est une « grande famille », au sein de laquelle se perpétuent un certain nombre de valeurs traditionnelles - le goût de l'effort et du dépassement de soi, la convivialité, l'excès en matière de consommation de nourriture ou d'alcool, l'esprit de groupe et, surtout, la solidarité... Mais d'hospitalité, il n'est jamais question. A première vue, cela ne saurait surprendre. Autant la solidarité évoque un ensemble de comportements faisant référence au principe d'identité qui fonde le fonctionnement d'un groupe assez étroitement délimité (et qui dit principe d'identité dit aussi principe d'exclusion de tout ce qui est extérieur à la définition du groupe), autant l'hospitalité, me semble-t-il, évoque au contraire une ouverture, une acceptation de l'altérité, même s'il s'agit de limites qui sont constamment à redéfinir, à renégocier. Dans cette mesure, la pratique du rugby s'apparente davantage à la fermeture qu'à l'ouverture, à la mise en œuvre de processus renforçant la solidarité interne entre les membres du groupe qu'à la valorisation de ce qui peut être perçu comme extérieur à ce groupe.

Néanmoins, il me paraît intéressant de tenter de réfléchir à cette opposition apparente entre solidarité et hospitalité à partir du rugby. Non seulement parce que, dans ce contexte spécifique, ces limites ne sont pas aussi rigides que cela — ou, plus exactement, parce qu'il est possible de trouver des cas qui permettent de les franchir. Mais aussi parce que c'est peut-être dans ce décentrement que produit la réflexion sur le couple rugby / hospitalité que peuvent surgir des considérations permettant d'affiner les notions de solidarité et d'hospitalité.

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