Présentation

Une publicité anodine dans un mensuel français de 1992 révèle un changement profond des pratiques préventives. Un texte accompagné de photos d'hommes et de femmes anonymes prises aux différents âges de la vie propose l'acquisition d'une minuscule boite : le produit qu'elle contient permet d'effectuer «en trois minutes chez vous, à tout moment et à jeun1», un test très précis, «connaître votre taux de cholestérol»; d'apprécier la présence de cet alcool stéroïde dont l'excès possible se dépose lentement sur les artères, obstruant leur passage, provoquant « attaques et infarctus ». Le chiffre obtenu désigne le risque d'accident cardiaque. D'où l'objectif du test : mieux orienter régimes et modes de vie.

Il faut une sensibilité nouvelle pour que le test ainsi auto-administré soit devenu possible. Il faut que des instruments jusque-là réservés aux professionnels de la santé soient propagés dans le public, simplifiés, promus, commercialisés. Il faut une demande aussi pour que ces autocontrôles « instrumentés» soient jugés acceptables. Il faut une information élargie et précise, enfin, une diffusion du savoir médical. A ces conditions naissent ces gestes totalement inédits d' autosurveillance, ces enregistreurs minuscules dont la panoplie s'étend aujourd'hui.

A ces maîtrises personnalisées s'ajoutent des formules plus libres. Les corps lisses, légers, amincis, des magazines de santé échappent aux ordres rigides des vieilles gymnastiques ou aux prescriptions tatillonnes des vieux régimes médicaux. «Calculer son poids idéal», celui qui n'appartient qu'à soi, faire rimer «minceur avec douceur», quelquefois même «maigrir en mangeant plus2 » sont au centre des sollicitations. Triomphe d'un individu plus indépendant, plus narcissique sans doute, comme de nombreux textes l'ont montré dans les années 80. Le renouvellement de l'investissement sur le corps impose ainsi quelques «évidences» : intérêt plus individualisé sinon hédoniste, insistance pour «marier plaisir et bien-être3», place grandissante donnée aux pratiques corporelles, que d'autres change-