Marie-Thérèse Boyer-Xambeu, Ghislain Deleplace, Lucien Gillard

L'économie politique de l'argent au xvie siècle

Il est dans la nature de l'économie politique de tenir un discours sur l'argent. Certains vont même jusqu'à affirmer que c'est son unique vocation. A côté de ce débat sur l'objet de l'économie, d'autres disciplines proposent aussi leur propre discours sur l'argent, et il ne manque pas d'économistes pour tenter d'intégrer quelques parcelles de ces discours variés dans leur propre schéma aux fins de le rendre plus réaliste. Cette démarche nous paraît non pertinente, ou pour le moins prématurée. Car l'expérience a montré jusqu'ici que ce qu'on gagne éventuellement en réalisme, on le perd assurément en compréhension. Dans l'état encore très embryonnaire des sciences sociales, le syncrétisme n'est malheureusement pas envisageable théoriquement ; et chaque discipline reste d'abord tenue de développer jusqu'à ses extrêmes limites logiques un point de vue spécifique et strictement circonscrit.

On illustrera ici cette problématique dans le cadre historique du xvie siècle européen, sur lequel nous avons travaillé pendant plusieurs années et à propos duquel nous avons établi théoriquement la proximité de nature avec l'actuel XXe siècle, d'un point de vue monétaire '.

Outre les invariants structurels ou les tendances lourdes qu'une telle approche rétrospective permet de dégager, le XVIe siècle présente aussi l'énorme avantage d'être le moment ultime où il est possible encore de voir, directement en œuvre au niveau des pratiques monétaires, la disjonction cruciale entre certains phénomènes que l'histoire ultérieure s'emploiera à mêler définitivement. Nous voulons parler d'abord de la dichotomie entre le moyen de paiement qui circule dans les échanges et l'unité de compte de ces échanges, mode d'expression purement abstrait. Certains auteurs datent cette dis-

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