Philippe Simonnot

De saint Augustin aux Jeux olympiques

(Entretien avec Martin Gorin)

Martin Gorin : Je voudrais qu'on parle d'abord de l'argent dans l'économie et puis de l'économie par rapport aux autres dimensions majeures de la vie. Selon le modèle que vous esquissez dans votre livre \

Philippe Simonnot : Le mieux est de partir de saint Augustin et de l'opposer à ce Pelage qui plaît tant à nos modernes. Pelage est l'ancêtre du libéralisme rationnel. Saint Augustin a combattu le péla- gisme parce que cette doctrine niait le péché originel, « hérésie » tout à fait contemporaine ! Augustin, quant à lui, distingue trois grandes occasions de péché, trois passions principales : Yavaritia (la passion de l'argent), la libido dominandi (la passion du pouvoir), et le sexe, qu'il connaissait bien pour l'avoir longtemps pratiqué, et sur lequel il donne des indications très précises (l'érection est incontrôlable, elle survient malgré nous, et parfois, même quand nous la voulons, elle ne se produit pas !). A partir de ce qu'on pourrait appeler le triangle augustinien, un problème se pose : l'argent est-il une sublimation de la libido sexuelle, de la libido tout court, au sens freudien du terme, ou bien est-il une libido en lui-même ? Ce problème ne me paraît pas résolu. Qu'en pense le psychosociologue ?

Martin Gorin : Je ne sais pas si la théorie psychanalytique peut accepter une telle idée, puisqu'il y est toujours question de transformation des pulsions sexuelles qui soutiendraient des activités socialement valorisées, la création artistique étant la plus couramment citée. Et puis, surtout, quand les psychanalystes parlent de sublimation, ils évoquent davantage une activité que son objet ou son produit.

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