Jean-Bruno Renard
Les décalcomanies au LSD
Un cas limite de rumeur de contamination
D'avril à décembre 1988, des tracts ont circulé dans toute la France, alertant les parents de l'existence de tatouages pour enfants imprégnés de LSD. Le phénomène prit dans l'opinion et dans les médias une ampleur telle que les pouvoirs publics s'en émurent et dénoncèrent le caractère infondé de l'information, menaçant même de poursuites pénales les personnes qui diffuseraient le tract. Les spécialistes des légendes urbaines eurent vite fait de rapprocher cette rumeur de celle qui circula en 1980 aux États-Unis et que le folkloriste Jan Harold Brunvand a étudiée sous le nom de Mickey Mouse Acid (Brunvand 1 984).
On examinera successivement l'origine et le développement de la rumeur en Amérique du Nord, puis sa diffusion en France; enfin, on tentera de dégager la sociologie et la mythologie de cette légende contemporaine.
I. L'origine américaine
Naissance de la rumeur en 1980.
L'un des apports les plus importants de Brunvand est d'avoir découvert la source probable de la rumeur. Il s'agit d'une circulaire émise en 1980 par le Bureau des narcotiques de la police d'État du New Jersey après la saisie dans la région de « buvards » au LSD (document 1). Fabriqué à l'état liquide, le diéthylamide de l'acide lysergique - ou LSD 25, ou LSD, ou « acide » - est en effet habituellement conditionné sous deux formes : des « buvards », papier
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