Dominique Chateau

L'effet zapping

« J'aime mieux sauter que marcher », disait Jean-Paul, un écrivain allemand adepte de l'écriture libre susceptible de refléter les caprices de la sensibilité et les virevoltes de l'humour. Depuis l'apparition de la télécommande, il est loisible au téléspectateur de professer pareille doctrine ; au lieu de suivre docilement la trace ouverte par le choix préalable d'une chaîne ou d'un programme, il peut sauter de chaîne en chaîne, il peut entremêler les programmes, au gré de ses impulsions, de ses « sautes d'humeur ».

Or, en France, cette opportunité s'est ouverte au moment précis où le « paysage audiovisuel » subissait un fort chambardement. J'étudierai, ici, le zapping comme phénomène spectatoriel (au sens de Sou- riau), à la fois indépendant des avatars du « paysage audiovisuel français » et révélateur de leurs conséquences les plus profondes : non point celles que l'on commente quotidiennement (les transferts de stars, par exemple), mais celles qui semblent préfigurer une véritable mutation du téléspectateur français.

Naissance et causes du phénomène du zapping.

Le zapping commença d'être observé aux USA au début des années quatre-vingt. Publié en 1982, un rapport de TAA l révélait que 40 % environ des téléspectateurs américains abonnés au câble et 15 % de ceux qui se contentaient encore des chaînes hertziennes changeaient de programme au moment de l'intrusion des écrans publicitaires 2. Ce résultat surprenant, puisqu'il projetait en pleine lumière un phénomène jusque-là méconnu, voire inconnu, fut, toutefois, rapidement ramené à de plus modestes proportions : en 1983, une étude menée par A. C. Nielsen indiquait que seulement 5,2 % des programmes entraînaient un changement de chaîne pendant les

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