Louis Joinet

L'amnistie

Le droit à la mémoire entre pardon et oubli

Véritable ancêtre de l'amnistie moderne, l'idée de clémence collective a pris corps dans la République athénienne. Attribut du pouvoir politique, elle est distincte de la grâce, acte de clémence individuelle de source théocratique dont l'essence divine était attachée au caractère sacré du roi, divinité lui-même, ou intermédiaire entre la divinité et les hommes. Ainsi, à Athènes, au début du Ve siècle, la prise de Milet par les Perses, en 494, fut-elle interdite de représentation, et par là même de remémoration '. De même, les affrontements sanglants que connut la cité sous l'oligarchie des Trente furent-ils interdits de mémoire lors de la réconciliation démocratique de 403 2. L'enjeu politique de ces décrets était clair, il s'agissait d'effacer le souvenir du conflit, d'assoupir la colère, d'éviter que renaisse la guerre civile.

Apaiser les divinités mais aussi conjurer les malheurs collectifs, calmer les tensions, telle était la fonction, plus régulatrice que réconciliatrice, de YAbolitio generalis, accordée à Rome, à l'occasion de prières publiques et lors de cérémonies décrétées par le Sénat.

Aux xvie et \vne siècles, dans les législations de pacification, on retrouve encore cette fonction de l'amnistie comme moyen d'assurer la paix sociale (le « repos général et universel »), voire la paix politique (« obvier à tous troubles et séditions ») 3. Tandis que se multiplient les guerres (qu'il s'agisse de conflits internationaux ou de conflits internes, d'ordre religieux ou politique), les mesures d'amnistie se limitent de moins en moins aux infractions de droit commun. Visant un nombre grandissant de déserteurs ainsi que des combattants de rébellions, elles sont fréquemment assorties de l'obligation de déposer les armes.

Fonder un nouveau consensus social, consolider la paix, assurer la

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