Firmes transnationales et nouvelle division
internationale du travail
Wladimir ANDREFF
Professeur à l'Université de Grenoble II
II n'est plus guère possible d'étudier la division internationale du travail (DIT), nouvelle ou ancienne, sans rencontrer les firmes transnationales (FTN). Ceci oblige au demeurant à opter pour une conception de la DIT qui ne soit pas limitée à l'échange international et qui intègre d'emblée une dimension industrielle. C'est en insistant sur cette dimension que nous abordons le problème.
1. - Approches récentes de la DIT : où sont les FTN ?
Nul ne conteste que les FTN exercent une action sur la DIT, ainsi que le notait une étude de l'ONU (1973), si l'on entend par DIT la répartition des activités économiques entre pays ou régions du monde. Mais, avec l'émergence de la crise, deux autres évidences sont constamment reconnues dans les analyses de la DIT : d'une part l'accroissement rapide de la production et des exportations industrielles des pays en voie de développement (PVD), d'autre part la modification des puissances économiques relatives entre les pays industrialisés (PI) qui est elle- même fonction de leur capacité à s'adapter aux nouvelles contraintes extérieures dont participe la concurrence industrielle des PVD. Par delà ces évidences communes, trois approches de la DIT peuvent être distinguées aujourd'hui ; on les qualifiera respectivement comme étant internationale, polaire et transnationale.
L'approche internationale n'est» au fond, que le prolongement des analyses conventionnelles de la DIT (coûts comparatifs, spécialisation internationale, etc.) cherchant à intégrer les conséquences de l'insertion d'une économie nationale dans la DIT sur ses structures industrielles internes. Elle est illustrée par l'ouvrage de C. Stoffaës (1978) d'où il ressort, pour notre propos, que : l'image d'un Tiers-Monde exploité par les FTN doit être révisée ; les FTN menacent surtout les industries nationales des PI ; la volonté d'industrialisation des PVD commence à s'inscrire dans les faits ; les industries des PI (dont la France) sont « prises en tenailles » entre la concurrence des FTN et celle des jeunes industries du Tiers Monde. L'issue de la crise ainsi vécue par les PI se trouve dans une nouvelle DIT à laquelle ils s'adapteront par un redéploiement industriel. Vue devenue très officielle, elle peut s'accommoder de l'idée que les FTN sont les « outils irremplaçables de la redistribution de l'industrie mondiale » (J. Lesourne, 1980, p. 37), sans qu'elle remette en cause l'approche retenue. Néanmoins, cette thèse minimise le fait que la concurrence industrielle des PVD se réduit bien souvent à la concurrence des filiales de FTN qui s'y trouvent localisées.
L'approche polaire de la DIT consiste à repérer le ou les pôles dominants de l'économie mondiale, à l'aide de variables empruntées à la géographie économique ou politique. Telle était la conception du GRESI (1976) selon laquelle la DIT exprime l'état des rapports de force entre pays ; il s'en déduit divers scénarii de
REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n" 14, 4» trimestre 1980 81
