ANNALES DE DÉMOGRAPHIE HISTORIQUE 1992 Société de Démographie Historique - E.H.E.S.S. Paris, 1992
GRANDS-PARENTS ET AÏEUX HIER ET AUJOURD'HUI
par Agnès FINE
Plusieurs livres importants témoignent des avancées récentes d'une histoire de la vieillesse qui, généralement, a mis en relation la proportion grandissante du nombre des personnes âgées dans la population de l'Europe ancienne et l'apparition concomitante d'une figure positive de vieillard1. Cependant, un aspect était resté jusqu'à ce jour dans l'ombre, celui de la place des vieillards dans leur lignée familiale. D'où la suggestion du bureau de la Société de Démographie historique de faire du thème "Grands-Parents et aïeux, hier et aujourd'hui" l'axe central des Entretiens de Malher 1991. Les contributions parues dans les Annales de Démographie historique 1991 ou présentées lors du colloque, sont assez riches pour que l'on puisse tenter un bilan, bilan auquel on a intégré les recherches d'autres sciences humaines, essentiellement la sociologie et l'ethnologie. Elles sont orientées dans trois directions qui correspondent de fait aux nuances sémantiques des termes aïeux, aïeuls et grands-parents.
En effet, si l'on en croit les dictionnaires, le terme "aïeux" n'est pas synonyme de "aïeuls". Il désigne les ascendants "au delà du grand-père" autrement dit les ancêtres, le plus souvent les défunts de la lignée alors que le terme "aïeuls" dénote une place généalogique précise, celle de grands-parents dont il est un synonyme. Ces deux dénotations suggèrent des directions de recherche différentes auxquelles les analyses de J.-P. Bois, M. Foisil et D. Troyanski2 ajoutent une troisième. Elles invitent à nuancer la synonymie entre aïeuls et grands-parents en faisant remarquer qu'en succédant au premier, le second terme a ajouté à la dénotation purement généalogique, une charge affective évidente. Réfléchir sur les aïeuls suppose que l'on précise le statut, matériel, social et symbolique des personnes qui occupent cette place généalogique, en particulier leurs relations avec les enfants mariés, alors que s'interroger sur les grands-parents amène à déplacer le regard sur les relations affectives qu'ils entretiennent avec leurs petits-enfants.
Selon qu'elles s'intéressent aux aïeux, aux aïeuls ou aux grands-parents, les recherches des historiens, des anthropologues et des sociologues, avec les questions et les méthodes propres à chacune de ces disciplines, adoptent effectivement ces trois perspectives que nous envisagerons tour à tour, même si, bien sûr, elles se rejoignent parfois.
1. Bois J.-R, Les vieux de Montaigne aux premières retraites, Paris, Fayard, 1989 ; Gutton J.-R, Naissance du vieillard, Paris, Aubier, 1988 ; Troyansky David G. Old Age in The Old Régime : Image and Expérience in Eighteenth Century France, Ithaca, Cornell University Press, 1989.
2. Bois J.-P., "L'art d'être grand-mère, XVIIe-XIXe siècles", A.D.H, 1991, p. 8-13 ; Foisil M, "Grands-pères de jadis, XVII-XIXe siècles. Quelques modèles", A.D.H, 1991, p. 51-63 ; Troyansky David G, "Looking for grandparents in the French Révolution", A.D.H, 1991, p. 127-131.
