L'internationalisation du capital financier

américain A propos d'un ouvrage d'Olivier Pastré (1)

Wladimir ANDREFF

Professeur à l'Université de Limoges

Vouloir aujourd'hui développer une thèse originale sur les groupes financiers américains relève de la gageure tant la bibliographie est massive. C'est pourtant la prouesse réalisée dans le livre de Pastré, grâce à une information nouvelle, fine et précise, collectée auprès de l'échantillon formé par les 100 premières firmes multinationales (FMN) d'origine américaine. Elle met à jour la connaissance des structures et des comportements financiers du capitalisme américain.

Vouloir innover dans l'analyse des FMN n'est pas plus aisé ; outre une vaste littérature, la lassitude croissante du lecteur en dissuade. Quant aux écrits plus récents traitant des banques multinationales (BMN), ils déçoivent souvent parce qu'ils n'intègrent pas la totalité des liaisons, notamment structurelles, entre ces banques et les diverses industries nationales. Le second mérite de Pastré, sans doute le plus important, est de rechercher en priorité les relations existant entre l'internationalisation du capital et la reproduction des groupes financiers ; il devient inéluctable de voir surgir la banque derrière les FMN et l'industrie liée aux BMN.

Mais,' dira-t-on, l'internationalisation du capital et la formation du capital financier ne sont-elles pas, depuis fort longtemps (Hilferding, Lénine, Boukha- rine), reconnues comme deux phénomènes coextensifs, voire constitutifs du stade actuel de développement du capitalisme ? Soit. C'est néanmoins la réalité qu'ont négligé pendant un demi-siècle tous les travaux quelque peu concrets consacrés aux groupes financiers, aux FMN et BMN ou aux structures du capitalisme. De ce point de vue, l'étude de Pastré vient combler un vide théorique et empirique béant depuis cinquante ans. Sa richesse factuelle ne permet pas d'en rendre compte ici avec minutie. Le propos sera axé sur la thèse centrale défendue par l'auteur, les principaux éléments de la méthodologie utilisée et la nouveauté des conclusions obtenues.

1. - La dualité capital financier/internationalisation

L'ensemble des observations réunies par Pastré convergent vers la mise en évidence d'une dialectique dont les deux pôles sont la fusion du capital bancaire et du capital industriel, et l'internationalisation conjointe (ou parallèle) des ban-

82 REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 12, 2e trimestre 1980