Nicole Benoit-Lapierre
Guérir de vieillesse
De la gérocomie à la clinique gérontologique.
La médecine a toujours cherché à expliquer les causes du vieillissement, comme à en retarder les effets. Ses diverses interprétations, élaborées au fil du temps, sont indissociables d'une représentation de la vie et de ses rythmes, elle-même incluse dans la conception du monde qui domine chaque époque.
Pour Hippocrate, la vieillesse, qui commence à soixante-trois ans, est, de même que la maladie, une perturbation de l'ordre corporel, système harmonieux qui repose sur l'équilibre des quatre humeurs — sang, phlegme, bile jaune, bile noire — dont les propriétés sont associées en couples contrastés (chaud/froid, humide/sec) et dont la fluidité permet variations et adaptations. Elle se manifeste par des transformations et des malaises dont Hippocrate a relevé de nombreuses observations : les vieillards éprouvent des difficultés à respirer, des catarrhes avec toux, des stranguries, des dysuries, des douleurs aux articulations, des coliques néphrétiques, des vertiges, des apoplexies, des cachexies, des démangeaisons à la peau, des insomnies, des diarrhées, des larmoiements, la roupie, le trouble de la vue, la cataracte et la dureté d'oreille. Les prescriptions thérapeutiques, en revanche, sont rares ; en effet, dans cette perspective qui présuppose une sagesse de la vie, la médecine ne saurait qu'aider et soutenir l'ordre et l'harmonie naturels, favoriser et renforcer les réactions thérapeutiques spontanées. « La technique médicale imite l'action médicale naturelle (vis medicatrix naturœ). Imiter, c'est non seulement copier une apparence, c'est mimer une tendance, prolonger un mouvement intime 1. » Aux vieillards, Hippocrate recommande ainsi un dosage mesuré des activités et des plaisirs..
La tradition hippocratique est reprise au IIe siècle par Galien, qui, à la théorie des humeurs, articule la conception aristotélicienne selon laquelle la vie est liée à la chaleur interne et la vieillesse à l'effet d'un refroidissement : lorsque les humeurs s'évaporent et que le corps se déshydrate, sa température baisse. L'organisme affaibli du vieillard est représenté comme aride, racorni, sec, friable et frais. Pour pallier ces dérèglements du corps vieillissant, Galien propose, selon le principe de l'effet équilibrant des contraires, une hygiène de vie propre à le réchauffer et à l'humidifier. Dans la Gerocomia, il conseille l'activité, la consommation de nourriture échauffante, l'absorption de vin, la pratique des bains chauds, des onctions corporelles, des massages stimulants et tonifiants au vinaigre... Tout ce qui peut inversement déshydrater le corps et amoindrir ses forces vitales est proscrit, notamment les rapports sexuels et, de même, les saignées. Interprétations et prescriptions se répondent ainsi selon un
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