Couverture fascicule

« La réponse de l'abstraction lyrique », Georges Mathieu

[compte-rendu]

Année 1977 36 pp. 122-124
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CONVERSATION AVEC UN LIVRE

Georges Mathieu

La Réponse de l'abstraction lyrique

Cet ouvrage de G. Mathieu l, composé d'un ensemble de causeries, d'interviews, d'articles, voire de conversations informelles — ce qui lui donne l'aspect de la vie même — est étonnant par plus d'un point. Bien sûr, il reflète et traduit la personnalité, les goûts, les théories, la manière d'appréhender le monde de l'artiste (fait important pour la compréhension de son œuvre), mais surtout il révèle en Georges Mathieu un sémiologue averti. Ce qui, après tout, peut fort bien se concevoir de la part d'un peintre de l'abstrait, c'est-à-dire d'un créateur de signes. Certes, ce livre qui, à l'instar de l'œuvre picturale de Mathieu peut passionner ou irriter mais, en aucun cas, ne laisser indifférent est d'une telle richesse de pensée, d'une telle densité qu'il faudrait être philosophe, esthéticien, critique d'art, et aussi bien économiste, pour l'appréhender totalement. Il semble toutefois que ce soit dans les conceptions sémiologiques de l'auteur que l'on trouve la plus qrande originalité, la plus grande combativité en même temps que la plus arande intensité de pensée. Georges Mathieu, en effet, qui semble tout connaître en sémiologie, de Saussure à Der- rida, en passant par Foucault, Lacan, Barthes, Kristeva, y affirme souvent avec fougue, mais y développe aussi avec sérénité, tout au long de l'œuvre, une théorie qui lui est chère : « Va posteriori de la signification ». Bien que jaillissent au fil des phrases à tout moment l'aspect personnel, l'anticonformisme, la fougue, le lyrisme, on sent bien que l'essentiel n'est pas là, il est dans l'originalité de la conception du signe. Si, dès le début, on est conquis par le style2, le décor ainsi brossé n'est là que pour servir d'enrobage à un dialogue de haut niveau sur cette conception.

Déjà, dans l'Avertissement, G. Mathieu affirmait : « Pour la première fois dans l'histoire

1. Georges Mathieu : la Réponse de l'abstraction lyrique (Paris, La Table Ronde, 1977).

2. « C'était le 21 janvier, jour de la mort du » roi. J'avais rendez-vous au quarante- » deuxième étage de la tour Fiat. » Simplicité géniale : c'est le « la marquise sortit à 5 heures », augmenté du contraste saisissant entre le passéisme des souvenirs et la modernité de l'environnement.

» des formes, le signe précède sa significa- » tion » ; et : « Ce n'est pas seulement une » nouvelle forme d'expression qui est née » avec l'abstraction lyrique, c'est une nou- » velle façon d'appréhender le monde » ; puis : « La sémantique est la seule science » qui puisse justifier l'adéquation des nou- » velles façons d'exprimer, de signifier et de » symboliser aux perceptions visuelles, cultu- » relies et psychologiques de l'homme » d'aujourd'hui. »

Au cours de cette interview, par un interlocuteur anonyme (Yves), qui constitue le chapitre I, Mathieu s'oppose d'emblée à de Saussure et récuse Kristeva dont la sémanalyse est l'analyse d'une pratique signifiante et non pas le recensement ou la description des systèmes signifiants. Mathieu estime qu'il y a eu dans l'histoire de la peinture une récente inversion sémantique qui a échappé à Eco, Foucault, Kristeva. « La grande faute est, dit-il, d'extra- » poler dans la sémiologie ce qui relève des » lois de la langue. Ce qui est vrai en linguis- » tique ne l'est pas en sémiologie 3 » (d'où sa convergence avec Derrida tentant de « précipiter la faillite du logos »). Cette théorie du signe, nous l'avons retrouvée dans un autre chapitre intitulé : « l'Ave- » nir de l'Occident face à la dissolution » spirituelle », traité sous forme d'une interview de Mathieu (à son exposition à l'Ate- neo de Madrid en 1960) par Jean Parvulesco.

J.P. : « ...Depuis le paléographique, l'objet » signifié, la signification avait précédé le » signe. Chez vous, le signe précède la » signification... »

G.M. : « ...Cette révolution... est d'ordre » sémantique... Si, en effet, de tout temps, la » signification avait précédé le signe, désor- » mais l'ordre dans le rapport signe-signifi- » cation se trouve pour la première ïois » inversé, provoquant une phénoménologie » catégoriquement nouvelle dans le domaine » de l'expression. Il s'ensuit que l'.'mprovisa- » tion régit désormais presque la totalité de » l'acte créateur, les notions de prémédita- » tion et de référence à un modèle ou à un » geste déjà utilisé se trouvant définitive- » ment bannies... De tout temps, une chose » étant donnée, un signe était inventé pour » elle ; dès lors, un signe étant donné, il » sera viable et véritablement signe s'il » trouve son incarnation 3... »

3. C'est nous qui soulignons, car cette opinion rejoint partiellement celle émise dans un article à propos des qualités du signe, où nous faisions état d'une différence à ce propos entre le mot et l'image.

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