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Sacra Conversazione

[article]

Année 1979 30 pp. 206-210
Fait partie d'un numéro thématique : La conversation
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Page 206

Bernard Zurcher

Sacra Conversazione

Un critique interroge Gauguin :

'* — Vous êtes symboliste? Je suis bon enfant et je voudrais m'ins- truire, expliquez-moi donc le symbolisme. Timidement (je ne hurle pas) je lui réponds :

— Que vous seriez aimable de me parler hébreu, une langue que, ni vous, ni moi nous ne comprenons. La situation deviendrait de ce fait un peu analogue à...

— A quoi donc, monsieur le symboliste?

Toujours finement, malicieusement. Timidement, sans finesse, sans malice :

— Mais... mes tableaux parlent probablement hébreu que vous ne comprenez pas, inutile donc de continuer la conversation 1."

Qu'est-ce qu'une conversation picturale et qui y participe? Les tableaux parlent hébreu à des interlocuteurs latins depuis les temps bibliques. Qu'est-ce qui s'échange et quel en est le trajet? La critique devrait lire la Bible, elle comprendrait la peinture. Mais, sans doute, cette incompréhension lui donne-t-elle la mesure de son destin, le temps d'une crucifixion (Gauguin meurt dans l'indifférence, victime des poursuites de l'État et de l'Église). Pour quelle résurrection? Du sarcasme à sa récupération (l'histoire des "mouvements artistiques" en est pleine depuis les "impressionnistes", les "fauves" ou les "cubistes"...) où il y gagne une majuscule, toute l'angoisse de l'artiste s'intercale du désir de cette résurrection à se rendre posthume. A s'en réveiller la nuit, l'angoisse l'étreint de cette distance aux étoiles, de n'être qu'une comète solitaire sur une orbite perdue, faute de maîtriser son propre langage. Sérusier rapporte que chez Cézanne "la couleur dépassait le tracé. Il retraçait alors un nouveau contour; puis, quand il peignait, il le reperdait 2". Toute la question, en définitive et jusque dans la hâte de Cézanne à peindre avant de mourir ce qu'un écrivain pourrait sentir "sur le bout de la langue", ce "ne pas savoir" par quel bout commencer la toile (c'est pour cela qu'on a fini par y projeter la couleur) serait la mise en conversation de la peinture, puisque l'artiste y voit une réponse à son propre discours, ce bout de langue enfin parcouru. Mise en conversation qui se redouble ailleurs d'une production de discours

1. Paul Gauguin, Diverses Choses, 1896-1897, notes manuscrites à la suite de Noa Noa dont le manuscrit original est conservé au Cabinet des dessins du Louvre; repris dans Oviri, écrits d'un sauvage, Gallimard, 1974, p. 162.

2. In Charles Chassé, Gauguin et le Groupe de Pont-Aven, Paris, Floury, 1921, p. 72.

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