Plan

Chargement...
Couverture fascicule

Crise et catastrophe

[article]

Année 1976 25 pp. 34-38
Fait partie d'un numéro thématique : La notion de crise
doc-ctrl/global/pdfdoc-ctrl/global/pdf
doc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/resetdoc-ctrl/global/reset
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
Page 34

René Thorn

Crise et catastrophe

1. Morphologie d'une crise.

On peut se demander si, lorsqu'une crise se déclare chez un être, il en existe des signes visibles, des repères morphologiques. L'emploi du mot crise en sémiologie médicale pourrait faire croire qu'il en est bien ainsi. Or, s'il est vrai qu'une crise se manifeste extérieurement par des atteintes au comportement, ou à la physiologie, ses manifestations proprement morphologiques demeurent relativement discrètes, voire inexistantes. Si, dans une crise, la « fonction » est fréquemment atteinte, la « structure » elle, demeure intacte. De ce point de vue, il y a entre crise et catastrophe une différence radicale. La catastrophe (même au sens étendu que j'ai prêté à ce mot) est par essence un phénomène bien visible, une discontinuité observable, un « fait » patent. La crise peut être latente, ou sournoise. Assez fréquemment, elle ne se manifeste que par une perturbation quantitative (et non qualitative) d'un processus de régulation : tel est le cas de la crise inflationniste en économie, par exemple. Il existe cependant entre crise et catastrophe un lien évident : la crise est souvent l'annonciatrice de la catastrophe, qu'elle précède, ou qu'elle provoque. Dans la théorie des changements de phase, en physico-chimie, lorsqu'une substance se trouve dans un état métastable qui précède un changement de phase (comme l'eau surchauffée au-dessus de 100° à la pression atmosphérique), cette instabilité se manifeste par un phénomène local dit « nucléation » : de nombreux îlots de la nouvelle phase (dans notre exemple des bulles de vapeur d'eau) se forment aléatoirement dans le milieu, mais, s'ils ne peuvent atteindre une certaine grandeur critique, ils disparaissent, absorbés par l'ancienne phase. Si l'un d'entre eux vient à dépasser ce diamètre critique, alors il se met à grandir à une rapidité foudroyante, ce qui provoque la catastrophe de changement de phase (ici, 1' ebullition). On connaît dans de nombreuses disciplines naturelles ces manifestations morphologiques annonciatrices de prochains changements. Ainsi, en géomorphologie, sur le plateau de Beauce ou du Hurepoix, l'approche de la falaise qui dévale vers la vallée de la Seine est souvent signalée par des creux, des effondrements locaux, en liaison hydrologique probable avec les vallons qui, à quelques kilo mètres de là, entaillent le rebord du plateau.

Ces états à morphologie locale fluctuante, que j'ai qualifiés1 de « Catas-

1. Stabilité structurelle et Morphogenèse. Paris, Benjamin-Ediscience, 1972.

34

doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw