Gérard Métayer

Vidéocommunication ou vidéoconsommation ? L'expérience japonaise

Imaginez un local ouvert au public, où n'importe qui peut entrer gratuitement pour sélectionner dans une vidéothèque le programme de son choix et, après avoir placé lui-même la vidéocassette dans un appareil lecteur, s'installer pour le regarder devant un des téléviseurs mis à sa disposition : à Montréal, cela s'appelle le Vidéographe ; à Tokyo, le « Centre pour le développement des loisirs ».

Dans un cas comme dans l'autre, c'est une subvention gouvernementale qui a permis la création de ces « libre-service vidéo » — l'Office national du Film au Canada, le ministère de l'Industrie et du Commerce extérieur au Japon, ont été les principales sources de financement au départ de ces expériences. A Montréal comme à Tokyo, le même type de matériel est mis à disposition du public — des lecteurs de vidéocassettes de fabrication japonaise. Pourtant, ce n'est pas seulement leur situation géographique qui place le Vidéographe et le Centre pour le développement des loisirs quasiment aux antipodes : ils~coTrespondëhi~3T3eux perspectives opposées d'introduction et d'utilisation des nouvelles techniques de communications dans les États industriels. Leur description donne un exemple concret de l'opposition, qu'on retrouve en permanence à propos de la télévision par câble, entre une « vidéocommunication » qui serait un agent de changement social et une « vidéoconsommation » qui serait un élément conservateur des modes de relations propres à la société technicienne.

Le Vidéographe est né de l'initiative d'un groupe de cinéastes canadiens dont le titre : « Société nouvelle/Challenge for change » manifeste bien l'intention. Participant à ce mouvement d'origine typiquement québécoise, le « cinéma d'intervention sociale », les créateurs du Vidéographe l'ont d'abord considéré comme un moyen de favoriser l'émergence et la diffusion d'une création communautaire, en marge des circuits de production-distribution des mass media. Il suffit pour le constater d'entrer dans le vieux local, de plain-pied sur une rue populaire du quartier francophone de Montréal, où une installation sommaire accueille un mouvement permanent de gens venus regarder les programmes de la Vidéothèque, emprunter un équipement de vidéo portatif, ou travailler sur place au montage de leur production. Car la fonction principale du Vidéographe est de fournir des moyens techniques à quiconque, groupe ou individu, souhaite accéder au mode d'expression télévisuel, quel que soit son message — et le catalogue des productions déjà réalisées, long de plusieurs centaines de titres, montre que la censure morale ou politique a perdu ses grands ciseaux, si jamais elle a franchi la porte du Vidéographe... Le « libre-service vidéo » n'est qu'un élément relativement mineur

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