LES MORISQUES D'ESTRÉMADURE AU XVIe SIÈCLE
par B. VINCENT
Lorsqu'en octobre 1609, le Conseil d'État espagnol procède à l'expulsion des Morisques andalous et castillans, il commence par les habitants d'Hornachos. La raison en est simple : ce gros bourg installé au cœur de l'Estrémadure, cerné de collines, était le symbole même du danger morisque. Tout au long du xvie siècle, la population à peu près homogène de cette localité a manifesté son opposition farouche à toute tentative d'acculturation de la part des chrétiens et a inspiré à ceux-ci une crainte permanente. Parmi eux ne s'aventuraient guère plus de cent chrétiens dont une vingtaine de moines perdus au milieu des quatre à cinq mille habitants de la communauté. C'est ce caractère largement majoritaire de l'élément morisque qui explique son indépendance de toujours, puisque même au-delà de l'expulsion, les Morisques d'Hornachos ont constitué une république corsaire à Salé1. Ce destin singulier a beaucoup retenu l'attention sans que l'on puisse dire qu'il soit bien connu et a ainsi laissé dans les mémoires la trace de la présence morisque en Estré- madure. Mais les Hornacheros n'étaient pas les seuls musulmans convertis de force au tout début du XVIe siècle (d'où l'appellation de Morisques) à résider dans cette province du sud-ouest de l'Espagne. Il y avait, outre Hornachos, quelques villes où la minorité mudejare, sans être très importante, n'était pas négligeable à la fin du XVe siècle. En 1570-1571, elle reçut le renfort des Morisques grenadins expulsés d'Andalousie orientale. Au moment de l'expulsion générale, en 1609, il y avait donc en Estrémadure, comme dans l'ensemble des Castilles, une communauté morisque comprenant deux éléments d'origine géographique différente.
1. A. Sanchez Perez, « Los Moriscos de Hornachos, corsarios de Salé », Revista de Estudio Extremenos, 1964 ; M. Pelorson, « Recherches sur la comedia, Los Moriscos de Hornachos », Bulletin Hispanique, 1972, p. 542.