QUELQUES ASPECTS DES RAPPORTS
ENTRE ECONOMIE ET POPULATION
DANS LA PREMIERE MOITIE DU XIXe SIECLE
par Alfred SAUVY
Le xixe siècle a été meublé par une querelle entre Malthus et les socialistes : la misère ouvrière de ce siècle et surtout de la première moitié de ce siècle a-t-elle été due à l'augmentation de la population jouant contre le prolétariat ou au seul système de la propriété privée ?
Dans le souci de ne pas changer le régime et de se disculper, les libéraux ont le plus souvent dénoncé l'accroissement de la population, tandis que les socialistes, Marx en particulier, imputait toute la responsabilité au régime et contestait le surpeuplement. Comme il arrive souvent, le conflit durcissait les thèses vers les extrêmes.
Simultanéité possible
Sans chercher à savoir, de façon précise, quel autre régime socio- politique aurait pu être instauré à cette époque, et dans quelles conditions, on peut se demander si le régime étant ce qu'il est, l'accroissement de la population a contribué à une dégradation du niveau de vie des travailleurs, par le jeu du marché ; nous sommes, du reste, à l'époque de Ricardo.
De 35 %o environ dans la seconde moitié du xixe siècle, la mortalité est tombée en France à 25 %o. Malgré les guerres de l'Empire, la population a augmenté de 17 % de 1800 à 1830. Dans le même intervalle, la population britannique a augmenté de 51 % ; le développement industriel, plus poussé a compensé à peu près le plus fort accroissement.
La population urbaine a augmenté plus rapidement encore, suivant le phénomène observé aujourd'hui en Amérique latine et ailleurs. Je vais y revenir tout à l'heure.
Il est possible, mais je m'excuse de ne pouvoir mesurer ce phénomène avec la précision suffisante, que le progrès de l'industrie et par suite de l'emploi n'ait pas suivi au même rythme, ce qui justifierait,