dominique merllie
Outre l'intérêt propre de son contenu, comme contribution à la sociologie électorale, la note de Joseph Klatzmann a le grand mérite d'illustrer les possibilités qui restent ouvertes à une recherche sociologique à peu près dépourvue de moyens propres, et par là indépendante, dans une période où les moyens se raréfient (l'époque où une partie très importante de la recherche sociologique était financée par contrats semble à peu près révolue) et se concentrent sur un petit nombre d'organismes. Rappeler, par l'exemple, qu'une contribution à la recherche peut s'appuyer sur un matériel statistique d'origine administrative facilement accessible est utile et stimulant pour des chercheurs de plus en plus réduits à des moyens de recherche relativement artisanaux.
Au moment des élections de 1956, le faible développement des sondages politiques en France pouvait paraître condamner les chercheurs à ce type d'analyse, celui des «variations concomitantes», les réduisant à se contenter d'hypothèses ou d'approximations (telles que les évaluations calculées dans le premier article de Joseph Klatzmann) ( 1 ) à défaut de la vérification directe qu'aurait pu permettre une enquête spécifique (2) ; plus de vingt ans plus tard ce type d'exercice pouvait paraître dépassé par le développement des sondages d'opinion (3) : si l'on veut savoir dans quelles propor-
* J. Klatzmann, Population ouvrière et vote communiste à Paris, Actes de la recherche en sciences sociales, 36-37, fév.-mars 1981, pp. 83-86.
1— J. Klatzmann, Comportement électoral et classe sociale. Étude du vote communiste et du vote socialiste à Paris et dans la Seine, in : Les élections du 2 janvier 1956, Paris, A. Colin, 1957 (Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques).
2— Pour des exemples, parmi bien d'autres, d'études de cette époque cherchant à saisir des comportements ouvriers au moyen d'analyses «écologiques», cf. F. Isambert, Enterrements civils et classes sociales, Revue française de sociologie, I, 3, 1960, pp. 298-313 et M. Dogan, Le vote ouvrier en France : analyse écologique des élections de 1962, ibid. VI, 4, 1965, pp. 435471.
3— Si, à cause des difficultés pratiques auxquelles elle se heurte, l'analyse «contextuelle» ou «écologique» des variations concomitantes a pu paraître d'abord un simple succédané des analyses prenant l'individu comme unité que permet l'enquête directe, il a cependant été souligné que les «variables contextuelles» méritent d'être prises en considération dans l'analyse des enquêtes : cf. G. Michelat, Vote des groupes socio-professionnels et variables contextuelles, Revue française de science politique, XXV, 5, 1975, pp. 901- 918. Mais il s'agit alors d'introduire, dans l'analyse d'enquêtes dont les unités restent les individus, des considérations renvoyant au contexte où vivent ces individus, mais nullement de revenir à la méthode des variations concomitantes,,
