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Le Centre catholique des intellectuels français

[article]

Le dialogue comme négociation symbolique

Fait partie d'un numéro thématique : La représentation politique-2
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Le Centre catholique des intellectuels français (CCIF) était une institution médiatrice de l'intervention de l'Eglise dans le champ intellectuel à travers une démarche de dialogue (négociation symbolique) dont la manifestation apparente était la production publique de discours, oral ou écrit. Vouloir saisir les stratégies objectives à l'oeuvre dans ce dialogue seulement par le décryptage de ce discours public, qui est un discours censuré, serait prendre comme point de départ ce qui est l'aboutissement des stratégies de contrôle-censure qui ont mené à sa production et qui ne peuvent être appréhendées que par l'analyse des conditions sociales de production des promoteurs du dialogue et du fonctionnement et des moyens de contrôle de l'institution comme lieu de négociation intellectuelle.

Un téléphone et des idées

La définition que donne du CCIF un de nos informateurs (1) traduit exactement ce qu'il était en apparence : démuni du point de vue institutionnel, réduit à quelques intellectuels bénévoles qui organisaient des débats entre intellectuels. Sa réussite, étonnante même pour ceux qui en ont été les artisans, tient à l'adoption d'une méthode de travail qui, répondant aux limites de l'institution, a transformé ses insuffisances en atouts d'une pratique de négociation symbolique : l'absence de mandat ecclésial renforce l'apparence de laïcité et d'indépendance, son côté non institutionnel l'apparence de neutralité, son apparente neutralité facilite le travail de recrutement et de marquage. Le CCIF est l'exemple parfait d'une institution de manipulation douce fondée sur les apparences et agissant par dissolution. Placé aux frontières du champ religieux et du champ intellectuel, il se donne pour tâche non pas de borner ces frontières mais de les effacer pour que la liaison se fasse sans à-coups. Il ne rassemble pas des membres sous une étiquette institutionnelle mais se dilue et peut ainsi rassembler de fait autour d'une entreprise et marquer invi- siblement les gens qu'il met à contribution séparément sans les détacher de leur milieu.

Le CCIF en tant qu'institution n'a toujours compté que quelques membres. L'équipe animatrice était réduite à un minimum indispensable pour assumer les tâches d'organisation et prendre les initiatives mais elle pouvait compter sur la collaboration d'un ensemble d'intellectuels présents aux points névralgiques du champ intellectuel, comme étant la tête de ce que l'on pourrait appeler un réseau diffus de négociation symbolique composé de cercles concentriques qui se propagent en dégradé continu au-delà du champ catholique jusqu'aux incroyants, sympathisantscatholiques ou tout simplement ouverts au dialogue avec le champ religieux. Le dégradé continu masque la différence qualitative qu'il y a entre les cercles centraux et ceux de l'extérieur, entre les agents qui ont l'initiative et les agents-cible de la stratégie de dialogue, ceux à qui elle profite et ceux qui la servent, les marqueurs et les marqués. A un certain endroit il y a une rupture mais qui se passe tellement en douceur qu'elle n'apparaît pas comme telle. La tâche du CCIF consiste à émousser les oppositions, ce qui fait qu'apparemment il n'y a pas de rupture. Elle vise à transformer une opposition entre un dedans et un dehors en un réseau à base de plus et de moins. Cette stratégie réussit en émoussant dans chaque intellectuel la ligne de démarcation entre son côté profane et la partie plus ou moins étendue de son côté religieux, jusque chez les incroyants, en sollicitant chez eux la parcelle de chrétien qu'ils portent sans le savoir, dans la tête ou dans le coeur, ne serait-ce que leur «bienveillance», leur côté «humain» d'ouverture au dialogue, «bonne volonté» qui exclut a priori des oppositions irréductibles et des rencontres hostiles. Les différents cercles du réseau de négociation symbolique constituent autant de niveaux d'engagement religieux sur lesquels le CCIF pouvait compter pour la réussite de son travail de dialogue, mais ne représentent pas une mesure de l'importance de la contribution à ses activités. Du nombre de participations de chacun des 1500 intellectuels invités au CCIF on ne peut pas déduire mathématiquement l'importance qualitative de sa contribution, sauf pour un tout petit nombre d'invités dont la présence constante aux débats est un indice du rôle qu'ils ont joué dans leur orientation. La méthode qui consisterait à prendre indistinctement les participants par nombre de participations n'aboutirait qu'à consacrer les apparences de lieu neutre du CCIF, en opérant un nivellement qui cacherait l'essentiel, la stratégie de lieu neutre qui est une stratégie de coups. Tous les coups n'ont pas la même signification, la même valeur stratégique, et on ne fait pas de la stratégie à tous les coups.

1 — «Le CCIF c'était rien. Une secrétaire. C'était un téléphone et des idées. Et ce qu'on a fait à si peu !».

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