DÉMOSTHÈNE ET L'AFFAIRE D'HARPALE
On a beaucoup écrit sur l'affaire d'Harpale. Aussi, quand j'ai dû y revenir à mon tour en préparant l'édition d'Hypéride pour la collection G. Budé, n'avais-je pas du tout l'intention d'ajouter un nouvel article à tant d'autres. Si je m'y décide aujourd'hui, ce n'est pas simplement pour avoir passé beaucoup de temps sur ce sujet ; un procès où ont été engagés Démosthène, Hypéride, Dinarque, sans compter des orateurs de moindre importance, offre sans aucun doute, en soi, son intérêt. Je ne cède pas non plus, bien que la chose soit peut-être amusante un instant, au plaisir un peu mélancolique de retrouver, dans une cause célèbre de l'antiquité, certains traits fâcheux de nos mœurs modernes. Mais, plus je m'appliquais à me former sur elle une opinion, plus je me convainquais que le fond ne laisse pas d'en être grave, puisqu'en somme nous y voyons en jeu non seulement la politique, mais encore la moralité de Démosthène. Chemin faisant, je sentais aussi mon opinion se modifier : au début j'étais plutôt disposé à croire Démosthène coupable ; aujourd'hui, sans l'estimer à l'abri de tout reproche, j'hésiterais beaucoup à le condamner (1). Bref, j'en conclus à
(1) J'ai été très frappé, par exemple, de l'insistance avec laquelle Démosthène cherche à obtenir de ses adversaires qu'on lui dise dans quelles circonstances il a reçu l'or dont on lui fait tant de reproches, qui le lui a donné, et en quel endroit (Hyp., C. Déni., col. Ill, complétée parla citation du rhéteur Alexandre). Hypéride, naturellement, s'efforce d'éluder ces questions en les tournant en ridicule, et de persuader aux juges qu'ils n'ont pas à s'y arrêter. En cherchant à les résoudre moi-même, je les trouve fort embarrassantes pour la thèse de l'accusation. — [Sauf indication contraire, les citations d'Hypéride, dans cet article, seront toujours faites d'après l'édition d'Iensen, Teubner, 1917.]
